En dépit d'un titre racoleur (on croirait la une d'un vieux Détective), l'ouvrage circonstancié de
Cédric Meletta atteint son objectif : nous plonger dans les eaux saumâtres d'une période brouillée, celles dont
Patrick Modiano remue les fonds limoneux dans nombre de ses
romans.
"(Ce) récit est tout autant d'un historien que d'un romancier" prévient la quatrième de couverture. Ni l'un ni l'autre serais-je tenté de protester. Trop léger pour relever de l'ouvrage historique (malgré pléthore de noms, de sigles, d'évènements listés et un travail d'archiviste évident) et pas assez écrit pour immerger le lecteur dans une subjectivité narrative (style journalistique froid et factuel) , l'ouvrage ne parvient jamais à sublimer le parcours de ses incroyables dévoyées. Ce n'est pas faute d'essayer !
Il y avait pourtant matière. Qu'on en juge : Andrée Cotillon affairiste marron prétendante au trône de France, Waltraute Jacobson profiteuse sans scrupule,
Juliette Goublet, la madone du STO, avatar d'une
Christine Boutin sycophante, l'incroyable Rudolphina Kahan, pourvoyeuse de victimes juives pour l'ignoble Docteur Petiot, Alice Mackert, espionne romanesque, muse des turpitudes nazies, Maud Champetier de Ribes, milicienne hystérique et la silhouette modianesque (une apparition dans
La Ronde de nuit) d'Hélène de Tranzé, petite putain provinciale à la solde de la Gestapo géorgienne...
De temps à autres, entre deux informations tangibles, l'écrivain nous fait vibrer en évoquant les marmottages d'une vieille tenancière de guinguette, les errements d'une épave de tous les compromis dans une boîte de nuit new-yorkaise ou la vie simple et tranquille d'une ancienne collabo enfin rangée. On se prend alors à rêver de ce qu'un
Modiano aurait fait de ces tranches de vies avariées. Quelques nouvelles dont il a le secret, entre nuit et brouillard, reflets tremblés de ces effacées de l'histoire, nos petites soeurs d'infamie.
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