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Critique de 5Arabella


Tout le monde connaît le nom « Goncourt » à cause du prix littéraire qui lui est associé, le plus célèbre de tous les prix littéraires français. Mais on ne va pas forcément chercher plus d'informations sur celui qui créa ce prix et y associa à tout jamais son nom : Edmond de Goncourt. Parfois, de plus en plus souvent ces dernières décennies, on évoque une oeuvre, Le Journal, attribué aux frères Goncourt, dont des extraits féroces pour leurs contemporains sont parfois cités. La biographie de Pierre Ménard vient donc fort à propos pour présenter ces personnages, dont le nom circule largement, mais qui demeurent méconnus.

Ce sont donc des frères. L'aîné, Edmond, naît en 1822 et Jules en 1830. Malgré cette différence d'âge non négligeable, ils seront très proches, au point de se considérer comme des jumeaux. Ils perdrons jeunes leur père, officier napoléonien, et deux petites soeurs, et vivront chichement à Paris avec leur mère. Ils feront des études secondaires assez brillantes, mais après son bac Edmond est obligé de prendre un emploi de comptable. En 1884, après le décès de leur mère, ils découvrent qu'elle économisait férocement, et qu'elle leur laisse suffisamment d'argent pour leur permettre de vivre tous les deux correctement, sans avoir besoin de travailler. Ils décident alors de se consacrer entièrement à la littérature.

Les débuts seront difficiles. Leurs pièces de théâtre sont refusées. Leur premier roman, « En18…. » doit être publié à compte d'auteur. Il paraît au plus mauvais moment, le jour du coup d'état de Napoléon III. Les rares comptes rendus « alternent entre la moquerie et l'insulte ». Ils s'essaieront , avec un certain succès au journalisme, mais le jeu était dangereux à l'époque, et un procès pour outrage à la morale publique mettra fin à cette carrière. Ils vont donc revenir à la littérature, et produiront à quatre mains, des romans dans une veine pré-naturaliste, dont ils seront précurseurs. Zola va ainsi beaucoup admirer Germinie Lacerteux. Mais le succès et la reconnaissance ne sont pas vraiment au rendez-vous. En 1851 ils ont aussi commencé l'écriture de leur fameux journal, dans lequel ils rendent compte de manière cruelle de ce qui se dit dans les milieux littéraires, et où ils croquent de manière impitoyable leurs confrères.

Le succès arrive après le décès de Jules, survenu en 1870. Les romans qu'Edmond continue d'écrire percent enfin, comme la Fille Elisa en 1877. Un succès avec un certain goût du scandale, mais un succès. Edmond devient une personnalité courue du monde des lettres, tous les écrivains se pressent ou rêvent de se presser au Grenier de celui qu'on surnomme le Maréchal. La publication des premiers tomes du journal à partir du 1885 le fait détester mais craindre encore plus. Il finit comme une sorte de gourou des lettres, haï mais inévitable. Il aura fréquenté tout ce que la littérature française a produit de plus important, et son témoignage, même s'il n'est guère bienveillant, est essentiel pour ceux qui s'intéressent à cette époque.

Plus que les lettres, ce sont ses collections d'art qui auront enrichi Edmond. Les deux frères auront su anticiper les modes à venir, ils seront ainsi parmi les premiers à s'intéresser au Japon. Cela leur permettra d'acheter des dessins et objets, avant que les prix ne montent fortement. Edmond décide de disperser après sa mort tout cela, et de s'en servir pour fonder la fameuse Académie Goncourt, dont les membres doivent recevoir une jolie somme annuelle, leur permettant de se consacrer à l'art. Et l'Académie devra attribuer un prix à une oeuvre en prose. Il ne s'agit pas ici de retracer l'histoire de ce prix. Mais malgré les dévaluations successives qui rendront la somme symbolique, il sera le plus recherché parmi tous, car permettant d'assurer à l'heureux écrivain qui le décroche des ventes très importantes et une attention médiatique énorme, tout au moins pendant quelques temps.

La biographie de Pierre Ménard est très bien faite. Elle retrace la vie des deux frères d'une manière précise et complète, dans une écriture ironique et souvent drôle, qui ressemble terriblement aux personnages. C'est une biographie grand public, accessible, et facile à lire. L'auteur ne dissimule pas les aspects peu attrayants des personnages, leur misogynie, antisémitisme, bref leur antipathie pour presque toute l'espèce humaine. Mais il ne peut cacher une sorte d'attachement à ces étranges créatures, et leur fait la grâce de circonstances atténuantes.

On peut rester un peu sur sa faim si on recherche une publication plus savante, avec une présentation du contexte de l'époque plus détaillée, et une analyse fouillée de l'oeuvre. Mais c'est une excellente introduction, avant peut-être d'oser franchir le pas, et lire les ouvrages des infréquentables frères Goncourt.
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