Contrairement à beaucoup de nos pays voisins, il n'y a pas d'inceste en France, notre société refuse d'admettre que cela existe et combien c'est plus grave que le viol. Pourtant, je découvrais une litanie de chiffres démentiels évaluant qu'en Europe un enfant de moins de dix-huit ans sur cinq est victime de violences sexuelles, dont 70 % à 80 % sont commises au sein de la sphère familiale. La loi du silence peut régner en paix, le législateur préfère fermer les yeux.
" Maman, ne pars pas, le loup vient quand tu n'es pas là ."
"Tant qu'il y aura des hommes, le monstre du mal ne sera jamais dompté."
René Malouin, Princesse de nuit (1968)
Combien de familles se sont-elles retrouvées dans cette même salle pour se réjouir avec candeur d'assister à l'union de l'un des leurs et partager une même confiance dans un avenir radieux ? J'ai du mal à comprendre comment l'on peut continuer d'être si naïf et de s'entêter à souhaiter une vie de bonheur à tous ces fous qui choisissent de s'unir quand les chiffres implacables nous disent jour après jour qu'un mariage sur deux est voué à l'échec.
(p. 11-12)
Je suis sortie du commissariat agacée par cette perte de temps et maudissant la bureaucratie, pour un viol guichet 1, pour un cambriolage guichet 2, et pour un inceste repassez.
(p. 98)
J'étais jeune, ambitieuse, carriériste et compétitive, enfant d'une génération qui se définit par ce qu'elle fait dans la vie et non par ce qu'elle est ou ce qu'elle croit. Je ne pouvais pas concevoir que la seule 'réalisation' de ma vie serait ma famille, mes enfants, non, il fallait que je m'accomplisse professionnellement, que je brille en société, que les autres me regardent avec envie, que je sois cette femme si forte, capable de mener de front une carrière remarquable et une vie professionnelle épanouie. Vous me regardiez avec un sourire plein de circonspection, et je déchiffre mieux maintenant ce 'pauvre idiote' que l'expérience vous poussait à murmurer du bout des lèvres et que les convenances vous ont imposé de taire. Vous n'avez jamais abandonné [votre fils] Maxime, et vous n'envisagiez rien de moins pour vos petits-enfants que ce sacerdoce.
(p. 28)
Pour moi, [la pornographie] ce sont toujours de pauvres filles que l'on tourmente ou que l'on violente, et on est dans le sommet de l'exploitation de la femme par l'homme, dans des images et un rapport de soumission bien loin de ma vision de l'amour ou du sexe dans un couple.
(p. 53)
Je n’aurais plus besoin d’autant voyager, nous serions à nouveau réunis, tous les quatre, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les filles seraient fières de leur maman : j’étais persuadée qu’il valait mieux une maman absente amis épanouie qu’une banale mère au foyer qui ne leur donnerait que de l’amour, et pas un exemple à suivre dans la vie. Je tenais le coup avec ce genre de réflexion à la con.
J'avais épousé un monstre et il fallait que je sorte mes filles de ses griffes sans plus tarder.
Etais-je victime d'une dépression telle que mon imagination avait transformé un incident mineur en catastrophe nucléaire?
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J'avais beau faire partie à présent des rangs des victimes, je ne parvenais pas à m'identifier aux protagonistes de ces histoires dont je comprenais qu'elles se déroulaient le plus souvent dans le cadre d'un divorce conflictuel et dans des milieux défavorisés. Je me revois dans ma chambre quatre étoiles à continuer à me sentir supérieure à "ces gens-là", juchée sur mon piédestal d'éducation, de privilèges et de milieu. Moi, on allait m'écouter. Moi je savais lire, compter, argumenter et m'exprimer. Moi mes propos ne sauraient être remis en question, travestis ou transformés. Moi moi moi. Idiote.