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Critique de Gruizzli


Voila un livre des plus étonnants, détonnant et probablement sujet à controverse. C'est un roman que j'ai lu avec beaucoup d'étonnement, surtout pour la façon dont le sujet est traité et l'ensemble des sujets qu'il balaye avec son pitch de base. Parce qu'il faut bien le dire, un tel roman ça ne s'invente pas !

Parti de l'idée d'une maladie touchant les hommes seulement, nous voyons, au fur et à mesure du livre, développer un état qui confine et enferme (tiens, c'est d'actualité ça !) tout les hommes dans le but déclaré de les protéger. Cependant, nous découvrons bien vite que derrière cette façade respectable, un état dictatorial et totalitaire de femme se met en place. Une mise en situation qui n'a pas été sans me rappeler les excellents mots de Terry Pratchett à la fin du volume "Le régiment monstrueux" : "L'ennemi, ce n'étaient pas les hommes, ni les femmes, ni les vieux ni même les morts. Mais les foutus imbéciles de tous poils.".
Parce que le roman se concentrera, au travers d'une fiction sur le sexisme, sur la façon dont un état totalitaire renversant les valeurs sexistes de notre société ne sera au final qu'un état dictatorial et totalitaire. Et que cela ne concerne ni les femmes ni les hommes, mais les personnes qui font des choses atroces au nom de leur sexe. Une bien belle réflexion, et je trouve même assez osée, de la part de l'auteur.

Mais ce qui me bluffe réellement dans ce livre, c'est le renversement final qui donne toute la saveur au travail de politique et de rapport de sexe posé dans le livre. En effet, l'auteur ne finit non pas sur une morale facile et peu intéressante, celle qui aurait choisi la facilité d'une dictature pas sympa, de féministe extrémiste s'accaparant le pouvoir et qu'on renverse pour remettre une démocratie.

Non, de façon bien plus intelligente, Robert Merle développe un renversement d'un état totalitaire pour une démocratie sexiste ... envers les hommes. Et ce renversement final est magistralement orchestré par le personnage principal qui devient ce que sont les femmes dans notre monde. Entre les regards dans la rue, les considérations de bas-étage ou le renvoi continuel à une position sociétale précise (et pas forcément voulue), on est dans la dénonciation directe de notre sexisme sociétale. Sauf que l'auteur ne s'arrête toujours pas là, et présente ce monde comme plus juste et plus humain que le notre. Non pas dans une égalité de fait entre hommes et femmes, mais dans une relation de domination des femmes sans conteste. Et là, on touche au superbe, puisque l'auteur nous laisse sur un monde non-idyllique, porteur de questions et de réflexions qui nous sont toutes laissées. Robert Merle ne développe pas plus et c'est ce qu'il fallait, à mon sens : laisser au lecteur le choix de comprendre et retirer ce qu'il veut de cette lecture. le bien et le mal ne sont pas net, dans cette fin. Si le roman conspue le totalitarisme, il ne dit rien sur un éventuel sexisme de la société (présenté peut-être comme inévitable, même si ce n'est pas clairement exprimé). Bref, Robert Merle nous sort quelque chose de bien différent de ce à quoi nous avons l'habitude dans des romans dystopiques du genre.

Le roman est servi, dans son propos, par des personnages géniaux et que j'ai adoré suivre : des véritables tronches que l'on se plait à découvrir, chacun ayant sa particularité et son fond, que nous découvrons parfois petit à petit, et surtout des retournements qui font sentir tout ce qui échappe au lecteur mais aussi au personnage principal. Nous sommes dans un monde où tout n'est pas totalement expliqué, ou une partie des évènements nous échapperont. C'est d'autant plus prenant lors de la lecture, qui semble devenir un thriller, tout autant qu'un roman d'anticipation, de réflexion sur le sexisme ou encore un roman d'amour, dans lequel les personnages n'auront pas la fin que l'on suppose. Bref, une bien belle composition, intelligente et bien menée.

Ce roman, je le vois comme une des anticipations/réflexions sur le sexisme des plus réfléchie parmi celles que j'ai lu. En fait, je l'oppose presque à La servante écarlate, que j'avais trouvé fade et peu consistant dans sa réflexion, justement. Ici, le propos final est réellement philosophique, le questionnement restant latent et tout au lecteur. Je ne dirais pas que j'en ai eu une lecture totale et juste, mais que chacun aura sa propre lecture et sa propre réflexion autour de ce livre, ce qui est parfait pour un tel sujet. Peut-être encore plus d'actualité maintenant que lors de sa sortie, Robert Merle sait tomber juste dans sa vision du monde. Un auteur des plus intéressant que j'ai hâte de découvrir plus avant.
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