Citations sur Gardiens des cités perdues, tome 3 : Le grand brasier (76)
- Tu oublies que je n’ai jamais été normal, Sophie. Rappelle-toi : je manquais sans cesse les cours pour partir à ta recherche avec mon père lors de ses missions secrètes. Toutes sortes de rumeurs couraient à mon sujet. D’après ma préférée, je souffrais d’une effroyable maladie intestinale qui me forçait à rester à la maison pour me soulager. Mon petit doigt me dit qu’elle venait de Keefe, celle-là.
- En effet, c’est tout à fait son genre.
- N’est-ce pas ? Mais c’est ce qui nous a rapprochés. Lui, c’était l’excentrique qui avait sauté une classe, tandis que j’étais le type qui disparaissait sans cesse. Personne ne voulait traîner avec nous.
- J’ai du mal à me l’imaginer...
- Parce que maintenant nous sommes des stars.
- Qu’est-ce que c’est comme pommade ? demanda Sophie, prête à en retenir le nom.
- Ça s’appelle « Rapplique fissa au Centre de soins la prochaine fois ».
- Sinon, tu peux aussi éviter les prochaines fois, renchérit Keefe. Même si ça semble peu probable.
Il désigna un cliché de la jeune fille dans un grotesque costume de mastodonte, pris lors de la Cérémonie d’ouverture et accroché au-dessus du lit où elle était installée.
- Elwin devrait y ajouter un tableau de score afin qu’on tienne le compte de tes visites.
- Il t’en faudrait un aussi, Keefe, rétorqua le médecin. Tu commences à prendre tes habitudes, ici.
- Un risque à courir quand on traîne avec la Reine du mystère ici présente... mais le jeu en vaut la chandelle.
- Sans vouloir te vexer, si je devais frimer, ce serait à mon sujet. Ou celui de Foster. Le plus souvent, je m’en tiens à mes exploits personnels.
- Elles y ont passé la journée, maugréa Fitz. Des heures qu’elles jouent à « Je suis invisible... Là tu me vois ! Et là tu ne me vois plus ! »
Biana réapparut, les yeux levés au ciel.
- Parce que tu n’étais peut-être pas agaçant avec tes « Je sais ce que tu es en train de penser, là ! Et là ! Et là aussi ! »
Keefe s’esclaffa.
- Pas de quoi ricaner, monsieur « Je ris et je pleure en même temps » ! le tança Fitz.
- Pardon, mais ressentir les émotions des autres pour la première fois n’est pas une sinécure, protesta l’intéressé.
Le freinage se révéla plus compliqué que prévu, et elle percuta Keefe, qu’elle entraîna dans sa chute.
- Tu sais, tu peux te montrer renversante d’autres façons... beaucoup moins douloureuses, la railla le jeune homme tandis qu’elle se relevait à grand-peine.
Sophie se détourna pour dissimuler ses joues empourprées.
- Sophie. Enchantée.
- Je sais. Quand bien même vous ne seriez pas la nouvelle vedette de notre monde, mon fils n’a que votre nom à la bouche.
- C’est faux, marmonna Keefe en baissant les yeux.
Sophie l’imita.
- Ecoute-moi, p’tit gars, intervint Keefe. Quand tu seras enfin prêt à révéler ton talent de Technopathe, que tu ferais bien de développer d’ailleurs, on fera équipe. On pourrait s’introduire dans le bureau de Dame Alina pour le remplir de crottin de dinosaure. Ou mieux, d’alicorne ! Ou on pourrait...
- Et c’est entre les mains de cet individu que vous remettez votre vie ? s’alarma Sandor, qui semblait prêt à étrangler le jeune homme.
- Oh là, du calme, Gigantor ! protesta Keefe en agitant les pieds dans le vide. Je ne laisserai rien ni personne lui faire du mal ! Mais nous connaissons tous Sophie : nul doute qu’elle aura besoin de consulter Elwin à son retour...
Même Dex, malgré le regard outragé de l’intéressée, ne put retenir un rire.
Qu’y pouvait-elle si elle détenait le record de visites au Centre de soins de l’école, sans compter les innombrables consultations à domicile d’Elwin ? Elle se serait bien passée de son allergie mortelle au limbium ou de ses capacités génétiquement augmentées qui échappaient parfois à son contrôle. Et plus encore de ce groupe de rebelles déterminés à la tuer... Raison de plus pour écouter les conseils de Sandor et le garder à ses côtés.
Sois prudente. Et si jamais ce que tu poursuis te rattrape... ne marche pas : cours !
- Tout vient à point à qui sait attendre, dit Sophie.
- C'est sans conteste l'expression la plus barbante que j'aie jamais entendue.