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Critique de Erik35


VOYAGEURS TEMPORELS DE TOUTES PLANÈTES : UNISSEZ-VOUS !

Rien ne va plus pour Valérian et son inséparable Laureline : échoués sur une planète des plus inhospitalières, ils découvrent qu'ils ne sont pas les seuls à qui cette mésaventure est arrivée car un immense cimetière d'astronefs s'offre très vite à leur vue avant d'être emportés par un courant terrible dont ils ne sortent que par miracle, mais inconscient. En réalité, ils viennent d'être repêchés par des pêcheurs d'algues visiblement terrorisés par un tyran qu'ils nomment «Le Maître» et surtout par un impressionnant nuage d'oiseaux noirs qu'ils nomment les «Oiseaux-Folie» qui maintiennent un ordre d'airain parmi ces malheureux rescapés.

Très rapidement, nos deux agents spatio-temporels vont comprendre que les survivants sont totalement réduits à l'esclavage, leur vie se passant en de longues et imperturbables journées d'un labeur épuisant - les plus faibles mourants sous le joug du Maître sans que quiconque ne s'en soucie réellement -, l'essentiel de leur temps étant donc dédié à l'accumulation de nourritures qui constitueront le "Klaar", l'ambroisie dont se régale sans fin ce dictateur inique mais toujours invisible.

Bien entendu, tout les rescapés ne le voient pas de cet oeil et certains tente de se révolter. Mal leur en prend car ils sont dès lors repérés par ces fameux Oiseaux-Folie qui leur inocule un poison les rendant fou (au moins aux yeux de leurs coreligionnaires) ou franchement éclairés sur leur véritable situation (selon eux-mêmes et, vraisemblablement, le lecteur).

Album presque (trop ?) "sérieux" tant la thématique politique et pour ainsi dire révolutionnaire est présente tout au long de cet album, dont les planches sont, par ailleurs, toujours très réussies, faut-il le préciser, mais volontairement très sombres, angoissantes, oppressantes de Jean-Claude Mézières. le discours est tellement clair (Non aux Tyrannies, vive la révolution !) qu'il en devient même un peu trop évident, manichéen, manquant de ce à quoi ces deux auteurs géniaux nous avaient habitué : une certaine subtilité sachant éviter toute leçon trop facile.

De fait, si l'ensemble se lit avec grand plaisir, si l'on tremble pour nos deux héros et leurs rencontres de passage, si l'on s'insurge de voir ce peuple de larbins courber l'échine sans aucun sentiment de révolte, pire même! en donnant les verges pour se faire battre et en condamnant sans fard toute tentative pour se libérer de leur asservissement, on demeure un peu sur sa faim et, surtout, on assiste à une trame peu à peu cousue de fil blanc. Ce qui gêne d'autant plus qu'on ne peut humainement pas être en désaccord avec les grand principes défendus par Valérian et Laureline. Mais de là à accepter un message, une dialectique que le Parti Communiste de l'époque n'aurait certainement pas désavoué, il y a un grand pas que nous ne saurions pas forcément franchir.

D'ailleurs, le scénariste lui-même semble en penser de même avec le recul. Voilà ce que Pierre Christin en dit aujourd'hui : «Les Oiseaux du Maître a marqué les lecteurs, mais ce n'est pas mon album préféré ! Je le trouve presque marxiste... Il aborde le thème de la lutte des classes alors que je n'ai jamais été proche des idées communistes. [...]. C'est ce que l'on appelait une histoire "à message", avec une tendance à donner des leçons...»

Et de rendre aussitôt hommage à son compère dessinateur : «Les belles inventions graphiques de Jean-Claude Mézières permettent de gommer ce défaut !»

Tout est dit. Demeure toutefois un album qui se lit plaisamment et dont le message, pour peu qu'on sache le modérer ou le recevoir avec le recul historique nécessaire, est aujourd'hui toujours aussi crucial et contemporain. Mais sans cette gangue idéologique superflue et facilement doctrinaire.
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