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Citations sur L'empire du moindre mal (61)

Si l'idéal de la Science a ainsi joué un rôle fondamental dans la constitution de l'imaginaire moderne, ce n'est cependant pas à partir de lui que les dynamiques de la modernisation se sont véritablement enclenchées. Le modèle de la révolution galiléenne n'a pu lui-même être si rapidement convoqué au service de la résolution du problème politique que parce que ce dernier se posait, au même moment, sous des formes historiques entièrement inédites. Dans ce « concours fortuit de causes étrangères », il semble bien, en effet, que celle qui a contribué de la manière la plus déterminante à catalyser la réponse moderne aux crises de la société européenne, c'est, avant tout, le traumatisme historique extraordinaire provoqué, chez tous les contemporains, par l'ampleur et la durée des guerres du temps.
(...)
Or on sait bien qu'une guerre civile ne modifie pas seulement la forme des combats. Elle affecte de manière plus radicale encore la nature même des rapports humains, et ce n'est certainement pas par hasard que Pascal, après Hobbes, la considérait comme le plus grand des maux – formule qu'on retrouve, à la même époque, dans les « Essais de morale » de Nicole. Cela tient au fait qu'à la différence des guerres traditionnelles, qui peuvent à l'occasion resserrer les liens d'une communauté, une guerre civile tend, par définition, à introduire les divisions les plus désocialisantes qui soient. Celles qui, en dressant les uns contre les autres, parents, voisins et amis, menacent à tout moment de défaire le cycle des solidarités et des allégeances traditionnelles, fondées sur le don et le contre-don ; cycle dont on sait qu'il constitue l'essence même de la « socialité primaire » (comme l'a nommée Alain Caillé) et la matrice essentielle de ces rapports quotidiens de confiance sans lesquels il n'est pas de communauté historique durable. Il est du reste révélateur que Corneille, dont l'œuvre est, par ailleurs, une célébration constante des vertus guerrières et héroïques, n'hésite pas, dès qu'il s'agit de la guerre civile, à définir cette dernière comme « le règne du crime ».
(...)
La crainte de la mort violente, la méfiance envers les proches, le rejet de tous les fanatismes idéologiques et le désir d'une vie enfin tranquille et pacifiée, tel semble donc être, en dernière instance, l'horizon historique réel de cette nouvelle « manière d'être » que les Modernes ne vont plus cesser, dorénavant, de revendiquer. (pp. 22-26)
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