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Critique de jullius


« Quels enfants allons-nous laisser à notre monde ? » (plutôt que « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? ») : c'est la question finale que pose Michéa dans cet ouvrage qui, une fois de plus a tout pour séduire : Michéa c'est le style allié à l'intelligence mais, plus encore, un esprit critique sans concession.

On peut certes estimer que l'école républicaine n'est pas en crise (du point de vue de ses programmes et des résultats qu'elle donne). Et certains sociologues essaient de faire valoir que le niveau des élèves, contrairement à une idée répandue, ne décline pas. Pour Michéa, ce constat n'est pas seulement faux, il est surtout trompeur. Son sujet (même s'il a des propos forts vis-à-vis de ces « sociologues d'État ») est finalement moins de disserter sur le niveau atteint que sur le contenu et l'objectif des enseignements délivrés. L'École, considérée par Althusser comme un appareil idéologique d'État, est devenu pour Michéa un appareil idéologique du Marché. Et l'enseignement de l'ignorance n'est pas la transmission de contenus appauvris, mais bel et bien la disparition organisée des savoirs qui permettent à l'individu de gagner son autonomie, au sens fort de ce concept : une aptitude fondamentale à comprendre à la fois dans quel monde nous sommes amenés à vivre, et à partir de quelles conditions la révolte contre ce monde est une nécessité morale.

Avec l'avènement de l'économie libérale, et notamment depuis de la fin des années 1960, et plus encore suite à 1968, véritable traumatisme pour les classes dirigeantes économiques, une entreprise d'investigation de l'école comme antichambre du salariat dominé s'est opérée. Elle a son pendant « culturel » : l'incitation toujours plus poussée, appuyée sur toutes les techniques de communication possible, de « tittytainment », ce « cocktail de divertissement abrutissant », ou comme l'aurait dit l'ancien patron d'une « grande » chaine de télévision, l'entreprise de mise à disposition de cerveau, par un siphonage organisé.

Ce disant, Michéa prend le risque de se voir classer parmi les conservateurs, voire parmi les réactionnaires. Il le sait. Mais loin de se laisser impressionner par des qualifications hostiles souvent creuses, il en profite pour nous amener à distinguer ce que doit être une « indispensable marche » arrière et une « inacceptable régression ». Pour lui, ce qu'il faut refuser, ce n'est pas le principe même du changement mais « le fait que son rythme soit désormais défini et imposé par les seules lois du Capital et de son accumulation ». le dogme du progrès qu'on ne cesse de brandir, pour ne pas parler du sens de l'histoire, sont des notions qui finissent par penser à notre place si on n'en interroge pas le contenu concret (comme dirait Alain Supiot). Et quelle plus belle démonstration que celle d'un des maîtres à penser de Michéa, George Orwell qui disait : « quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s'il nous rend plus humains ou moins humains ».
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