Passe-partout fit de drôles de rêves, cette nuit là.
Il rêva d'animaux fantasmagoriques, de femmes lascivement offertes entre les pattes de bêtes mi-hommes, mi-félins.
Il flottait dans une sorte d'éther, son corps n'avait plus de poids, il volait comme un oiseau.
Il s'approcha doucement d'une beauté totalement dénudée qui lui souriait.
Elle chevauchait un tigre. La scène avait quelque chose de terriblement sensuel. Il s'approcha encore et posa ses deux mains sur les seins fermes de la jeune femme. Il fut surpris de la froideur de sa peau. Elle était glacée. Il avança ses lèvres vers celles, pulpeuses, qui l'appelaient, ferma les yeux, mais une terrible puanteur le fit reculer.
Lorsqu'il rouvrit les paupières, il fut saisi d'une terreur irrépressible. Le beau visage se décomposait peu à peu, il se liquéfiait et tombait en pourriture.
Il essaya de hurler, mais aucun son ne sortit de sa gorge.
"Le mois de février 1808 fut particulièrement froid. Une neige épaisse avait recouvert les routes et les chemins du Vaucluse. Ce manteau d'un blanc immaculé cachait l'état misérable des chaussées que les maires des communes avaient, depuis longtemps, renoncé à entretenir. Il faut dire que les édiles avaient bien d'autres chats à fouetter à cause des querelles qui opposaient leurs administrés. Certains encensaient l'Empereur, d'autres criaient "Vive la République!" d'autres encore réclamaient à cor, à cri et à coups de poing le retour de la royauté."