J'avais une fenêtre au levant, une au midi ; et chacune était un tableau.
Nous voyions avec respect ces vénérables résineux qui sont les aînés du monde, qui ont enduré tant de choses dans les âges les plus difficiles, et aujourd'hui encore soutiennent, défendent tant de lieux exposés. Ils semblent les frères naturels des populations souffrantes, méritantes, laborieuses. Nous fîmes avec eux amitié.
Je me gardai bien d'aller me reposer à la mer. Je l'aime, cette étrange fée. Elle a le secret de la vie, mais elle est si agitée! Que de fois elle ajoutait sa tempête à mon orage! J'allai redemander le calme à l'immobilité des Alpes – non pas aux Alpes bruyantes qui semblent une éternelle fête de cascades et de beaux lacs. Je préférai le grand ermite, le géant muet, le Mont Blanc. Chez lui seul j'espérais trouver assez de neige et de repos.
C'est une très funeste tendance de notre âge de se figurer que nature, c'est rêverie, c'est paresse, c'est langueur.
Cessons de profaner les Alpes. N'emportons pas dans la montagne les esprits grossiers de la plaine.
Au bord, on voit l'arolle, dans sa plus grande taille, dans sa complète vie, intacte, inaltérée. Aux pentes abritées, on l'a vu languissant, surchargé de lichens. Ici au grand combat et sous les vents terribles, il quitte ce triste vêtement. Nu, comme un bon lutteur, empoignant le roc nu des ses fortes racines, il attend l'avalanche, indomptable et superbe, dressant ses bras vainqueurs, et dans ces lieux de mort, protestant, témoignant de l'éternelle vie.
Le bouleau du Grand Nord, de la Russie, lui-même, cet ami des frimas, devant l'Esprit sauvage, la férocité du glacier, a peur, et se fait nain.
En allant au glacier, l'effet est saisissant. Toute vie peu à peu diminue. Les grands arbres se font petits, pour vivre encore, humbles et faibles taillis.
Deux arbres admirables ont fait la vie de la contrée, l'héroïque et robuste arolle, qui, laissé à lui-même, durerait presque éternellement -- le souriant mélèze, renouvelé sans cesse, et qui, verdissant chaque année, simule la jeunesse éternelle.
Derrière le poêle se cache discrètement un étroit petit escalier qui monte au paradis. J'entends par là un entresol où, quand l'hiver sévit, le mari et la femme se réfugient, se serrent, ont la vie des marmottes, juste au-dessus du poêle.