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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
«Une reine. L'histoire pourrait commencer comme ça. Cette femme longue, déliée, une liane. Grace l'intrépide. Chausse ses sandales, marche dans la ville, marche dans le Bois, Grace, quelques milliers de mètres entre toi et moi, Porte Dorée le jour, bois de Vincennes la nuit. Il avait fallu s'approcher d'elle.»
Karine Miermont a recueilli le témoignage de Grace Amarachi Uzoma. Cette «reine» est une prostituée venue de Benin City au Nigéria et qui va se retrouver à des milliers de kilomètres de là, dans une camionnette du Bois de Vincennes. C'est ce parcours, cette histoire qu'a voulu raconter Karine Miermont dans un premier roman-choc qui va nous ouvrir les yeux sur une réalité que nous tous tentons d'occulter.
Ce remarquable travail, fruit de cinq années d'enquête, commence par une rencontre lors d'un salon du livre. Gabrielle croise Karine Miermont. Au fil de la conversation, elle lui raconte ce qu'elle fait, comment et pourquoi elle a choisi d'aider les prostituées. Elle effectue des maraudes dans cette rue que les flics appellent le Dark road, où se concentre une bonne partie de la prostitution parisienne. Elle lui parle de ces femmes exploitées à quelques mètres de chez nous et, elle en est persuadée, dont on pourrait régler le problème avec une ferme volonté politique. Karine veut en savoir davantage et accepte d'accompagner Gabrielle. Au fil des semaines, elle parvient à se faire accepter par quelques filles et à recueillir les confidences de Grace Amarachi Uzoma, l'«héroïne» de ce roman.
Faisant alors alterner le récit et le témoignage, elle va nous dévoiler l'histoire, les réseaux, les trafics à travers le parcours de cette Nigériane.
Dans son pays les familles pauvres ont quasi intégré le fait de vendre un enfant pour pouvoir survivre, mais aussi pour pouvoir vivre plus à l'aise. « Très tôt ton corps ne t'appartient plus. Ta famille et les autres décident pour toi. »
Avec le soutien des églises, qui ont établi tout un rituel – une messe de purification, la scarification à la bouillie noire, et l'instauration d'une règle du silence – et la bienveillance des autorités – qui savent aussi tirer profit de ce trafic – les familles confient leur enfant à des réseaux mafieux très bien organisés.
Si elle échappe à la mort dans son long périple qui va la mener de Benin City à Paris, elle n'échappera ni à la violence, ni à la peur. Via la Lybie, carrefour de ce trafic d'êtres humains où on vend les humains aux enchères, où ils sont traités comme des marchandises et l'Italie, où d'autres passeurs prennent la relève – il faut bien traiter avec les mafias locales – elle arrive à Paris où une Mama est chargée de lui enseigner les rudiments de français, mais surtout de la surveiller et lui rappeler le montant de la dette contractée qu'il lui faudra désormais rembourser, passe après passe.
Pour elle, l'enfer continue. «Tous les jours sont pareils, sept jours sur sept, il n'y a pas d'arrêt pas de vacances pas de pause voulue, il n'y a que des pauses nécessaires: parce qu'on change d'endroit, on n'est plus au Bois, on se retrouve à Barbès, à Château d'Eau, boulevard de Strasbourg; parce qu'on est malade; parce qu'on est enceinte et qu'il faut arrêter la grossesse. Un jour de Grace, de Joy, de Happy. Un jour et une nuit, tous les jours et toutes les nuits. » Grace est concentrée sur l'argent qu'il faut ramener, prend note de cette terrible comptabilité.
La solidarité entre filles est minime. C'est pourquoi Gabrielle joue un rôle essentiel dans l'histoire de Grace. «Gabrielle est devenue une amie, ma seule amie ici, quelqu'un qui t'aide, qui t'écoute, te soutient. Tous ces gens incroyables. les travailleurs sociaux, les bénévoles, les flics, les avocats, toutes les associations, Ies organisations! Vous vous rendez pas compte, les Français! C'est pas dans notre culture de nous occuper autant de la vie de chacun.»
Tout bascule pourtant le jour où Gabrielle est agressée. C'est le tragique déclic pour Grace qui choisit de témoigner, qui entend sortir de cette spirale infernale.
Son dossier est alors confié à une avocate que l'on appellera Agathe. Cette dernière étudie l'histoire de la traite des humains, obtient des informations sur cet esclavagisme organisé cette fois par les africains. Et réussit à remonter les filières. On y voit la loi bafouée sans scrupule, on y voit les familles vendre un enfant pour «mieux» vivre, on y voit Boko Haram participer à ce trafic après s'être servi et contrôler 10% des recettes. On découvre qu'après la drogue et avant les armes, les êtres humains sont la seconde ressource de ces trafiquants.
Karine Miermont, qui porte cette histoire depuis des années, a réussi son pari. En refermant ce livre, notre regard sur la prostitution aura changé. On ne pourra plus affirmer qu'on ne savait pas.

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Je n'avais encore jamais lu d'ouvrage sur le prostitution sur le sol français. Ici, le côté hybride est assez déconcertant au début, patchwork de documentaire, de roman, de témoignages, dee points de vue. On est tour à tour dans la parole de Grâce, la prostituée originaire du Nigéria, puis de Gaby, la travailleuse sociale, Agathe, l'avocate qui oeuvre pour l'avancée des droits des travailleuses du sexe issues du territoire africain...

L'ensemble de ces points de vue en fait un ouvrage riche qui a l'avantage d'être à la fois politique, féministe et anticolonial. Ici, à la fois on dénonce par exemple la pratique de l'excision sur les jeunes filles dans les pays d'Afrique de l'ouest, et à la fois on lit la fragilité des pays de cette même Afrique de l'ouest, fragilité non sans rapport avec la colonisation successive des Portugais, Anglais, Français, il y a de cela des siècles mais dont l'effet est les conséquences sont d'une actualité dévastatrice.

Grace, par sa manière de parler et le contenu même de son récit, est extrêmement touchante. L'autrice est parvenue à la faire vivre. Avec cet ouvrage, on se rappelle que l'abolition de l'esclavage actée en 1848 n'est que de la poudre aux yeux, des paillettes supplémentaires pour dire que la "République" est fonctionnelle. L'esclavage est loin loin d'être fini. J'ai été remuée par cette lecture.
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Entre documentaire, témoignage et fiction, c'est l'histoire de Grace, prostituée nigériane du bois de Vincennes. Elle y raconte son exil, sa vie quotidienne de prostituée et sa rédemption. A sa voix se mêlent les récits de Gabrielle, jeune femme qui travaille pour une ONG à leurs côtés, d'Agathe, avocate qui agit pour l'abolition de la prostitution et d'Eric, policier chargé de la répression de la traite des êtres humains. Karine Miermont a enquêté sur ce milieu pour écrire ce livre poignant. Grace doit se prostituer pour montrer à sa famille qu'elle a de l'argent, malgré la honte, elle est la fusion de plusieurs de ces filles du bois aux prénoms anglais : Joy, Happy, Princess ou Beauty, avec ces points communs : la dette et l'emprise de la famille.. La rencontre avec Gabrielle, de l'association, sera cruciale pour l'avenir de Grace. Malgré les souffrances du corps, l'emprise des « madam » et l'exploitation, il y a des moments de gaieté, entre elles, au salon de coiffure, au défilé de mode et la parole a une grande importance. Elles parlent en pidgin, ou broken english, mélange d'anglais et de dialectes dont le rythme, la musique et les interjections qui ponctuent les expressions de Grace donnant un style très particulier au récit. Un très beau témoignage écrit avec maitrise et un grand respect pour ces femmes de la "dark road".
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Grace Amarachi Uzoma, prostitué nigériane nous conte à travers la plume de Karine Miermont les conditions difficiles, inhumaines des prostitués au rabais, de celles que l'on colle contre un arbre, pas celles des beaux salons.

Mais il n'y a pas que de l'inhumain dans ce livre-roman. Il y a également les "bons" clients, la fraternité entre filles, le travail incessant de l'association qui leur donne droit à la parole, les soutient, les panse.

Superbe travail de documentation, sans fioritures, avec des mots qui sonnent juste.
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Un livre entre doc et récit de vie sur une prostituée nigériane du bois de Vincennes....Intéressant pour en savoir plus sur ce milieu et les conditions de vie de ces femmes prisonnières de réseau de prostitution
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