Citations sur La belle assise (12)
Lorsqu’on est enfermé, le temps semble suspendu. Les bruits de l’extérieur parvenaient étouffés, anormalement lointains. La lumière blafarde de l’ampoule projetait ses ombres indistinctes. Depuis mon emprisonnement, l’impression tenace que plus un siècle ne s’écoulerait m’obsédait. J’en arrivais même à douter de ma propre existence
Face à la frénésie consumériste, trouver une place pour se garer relevait de l’exploit et dénicher un chariot équivalait à se mettre en quête du Saint Graal. Finalement, après une recherche laborieuse, je poussai fièrement l’objet de ma convoitise vers l’entrée de ce temple de la consommation, décidé à communier avec mes congénères.
Pour achever de m'agacer, le café avait déjà refroidi : même ce simple plaisir matinal m'était refusé ! Il fallait impérativement que je trouve une solution, sinon j'allais devenir dingue. Cette jeune femme à la motricité réduite m'avait ensorcelé de manière incompréhensible.
A tel point, que parfois, j'imaginais entendre le roulement de sa chaise sur le palier. Elle sonnerait. Je lui ouvrirais et nous reprendrions notre tendre tête-à-tête…
Je délirais ! Je désirais tellement sa présence que j'inventais un scénario idéal.
Pendant que j'ingurgitais la nourriture, je sentis des yeux qui m'observaient par le judas. Décidément, une attitude digne d'une série télévisée dans un milieu carcéral! La dérision n'empêchait pas l'angoisse de croître, nourrie par l'inquiétude quant à la tournure des évènements. La collation terminée, j'injuriai mes geôliers pour les forcer à réagir. Personne ne se manifesta.
Certes, elle était artificielle, ne possédant pas la véracité de la Nature. Mais elle était construite à l’image des hommes : tortueuse, complexe, emplie de zones d’ombre.
En bon mâle célibataire, l’unique motivation qui m’incitait à séjourner dans ce genre d’endroit, hormis ma quête de nourriture, s’appelait gente féminine. En effet, toujours à la recherche de l’âme sœur, j’appréciais le défilé de mode qu’improvisaient toutes ces ménagères. Considérant mon âge, je me limitais à celles de moins de quarante ans, persuadé de dénicher la perle rare.
Tu veux crever la dalle ? À ta guise, mon minet ! Mais avant, tu signeras ce document.
Soudain, sur la gauche, je l'aperçois : une jeune femme frêle, le visage grave. Elle est assise dans une chaise roulante, sa chevelure brune cascadant le long de ses épaules menues, pendant que ses mains fines agrippent les accoudoirs comme par crainte de tomber. Sans que je comprenne pourquoi, sa vision captiva immédiatement toute mon attention. Ravivait-elle un souvenir que ma mémoire ne parvenait pas à exhumer ?
Je m’insurge contre le capitalisme, mais j’en suis le pur produit. Sans lui, ma vie s’étiolerait semblablement à une fleur sauvage. J’ai foi en l’argent et ses avatars ; le système a façonné ses monstres et je cherche une place dans ce maelström. – Emma
La culpabilité s'insinuait progressivement en moi. Aveuglé par la rencontre avec Emma, j'avais abandonné ma génitrice à son triste sort. Je n'avais même pas entendu ses appels au secours.