Candyland

La chasse, dans sa forme la plus pure, était l'activité la plus cathartique qu'il connaissait.

Derrière lui, la neige noire, les cendres d'une ville constamment embrasée par les mines de charbon et les fonderies, la toux cancéreuse de Cane. Comme de la poussière de fée saupoudrée par une entité maléfique ou des écailles perdues par un dragon, la cendre tombait, quand elle rencontra le sourire de Braxton.

Ils s'arrêtèrent à l'intersection entre Wild Cherry Lane et Praline Street, vitres baissées. Les noms de rue qui participaient autrefois à la thématique sucrée de Cane n'étaient plus que du sel sur les plaies des victimes de la récession économique.

D'après Braxton, il y avait un jour où Dieu avait décidé qu'il avait trop de pain sur la planche. Il avait pris un fléchette, léché la pointe et l'avait lancée au hasard sur le monde. "Quelle ville vais-je abandonner, pour alléger mon fardeau ?" s'était-Il demandé. La fléchette avait filé tout droit sur Cane et s'était fichée dans sa colonne vertébrale alors qu'elle se recroquevillait de peur, pour la paralyser et s'assurer qu'elle mourait de mort lente. Voilà ce qu'était Cane : les ruines d'une cité oubliée. Sodome et Gomorrhe, une merde de chien collée à la semelle de Dieu.

Leurs bêtises d'enfance et leurs frasques d'adolescence étaient restées dans les annales, ce qui ne faisait peut-être que prouver à quel point on s'ennuyait à Cane.

L'endroit le plus charmant et apprécié de la ville était maintenant décoré de verre brisé, arrosé de sang d'animal, les mots "tueur d'enfants" inscrits sur la façade. Et pas une douceur n'y avait été confectionnée depuis des jours.

Elle avait quelque chose de rigide mais il suffisait d'entamer la conversation avec elle que ses dehors impassibles, trop sévèrement plaqués, dissimulaient bien d'autres facettes. la plupart vous auraient fait pleurer.

Son cœur tambourinait dans sa poitrine, et elle se demanda s'il s'agissait réellement d'un organe humain, ou simplement d'un filtre encrassé de mots ensanglantés qui n'atteignaient jamais ses lèvres.

Un fard involontaire colora le visage de Sadie alors qu’elle récupérait ses petits pains briochés dans la corbeille pour les ranger dans un sac de congélation. Ses mots étaient prêts à fuser, comme un fusil chargé, jusqu’à ce qu’elle déglutisse et que Braxton soit obligé de se répéter. Elle expira pour chasser le rouge de ses joues et lâcha une phrase à toute vitesse, avant de pouvoir raccrocher :
« Je voudrais signaler une disparition. »

Pour se faire une idée de l'endroit, il fallait comprendre que la gnôle de contrebande et la meth étaient des denrées précieuses à Cane, quasiment aussi prisées que l'or.