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Critique de PatriceG


Un Diable au paradis (publication Buchet/Chastel. 1957. 190 pages)
Henry Miller.

Ah que j'aime ce « Diable au paradis » d' Henry Miller qui tour à tour me touche et me séduit par son lyrisme et son humour décalé. Cette histoire contemporaine bâtie sur un thème vieux comme le monde : l'ami qu'on invite à la maison croyant le connaître comme si on avait une dette envers lui d'hospitalité et qui va vous pourrir la vie au fil des jours. Une double face en somme jamais perçue lors de rapports précédents plutôt aimables, dans des circonstances pourtant particulières, mais quand rien ne vous obligeait à le faire au nom d'un compagnonnage lié à des rencontres nécessaires de la vie.

Il y a toujours une part inconnue chez « l'ami » ou plutôt ce n'est jamais garanti de pouvoir compter sur quelqu'un d'autre prétendument ami à 100/100 à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Et puis les arrimages entre personnes vont rarement dans le sens de pouvoir se dire qu'ils sont d'une confiance totale. Et puis aussi notre faiblesse humaine n'y serait-t-elle pas pour quelque chose ? ..

« Ce fut Anais Nin qui me présenta à Conrad Tericaud. Un jour de l'automne 1936, elle l'amena à mon studio de la villa Seurat. Dans l'ensemble, mes premières impressions ne furent pas très favorables. L'homme semblait sombre, didactique, entier dans ses opinions, centré sur soi. Tout son être était imprégné de fatalisme.
Il arriva en fin d'après-midi et, après avoir bavardé un moment, nous allâmes manger dans un petit restaurant de l'avenue d'Orléans. Sa manière de parcourir le menu me fit aussitôt deviner qu'il était tatillon. Durant tout le repas, il ne cessa de parler, sans que cela l'empêchât d'apprécier la nourriture. Mais c'était le genre de conversation qui ne va pas avec la nourriture, qui la rend indigeste.
Il y avait sur lui une odeur dont malgré moi j'avais conscience. Un mélange de lotion de toilette, de cendres humides et de tabac gris, teinté d'une touche d'un parfum élégant et insaisissable. Plus tard tard, le tout devait se fondre en une seule et indubitable émanation .. l'odeur de la mort.
Avant de connaître Téricaud, j'avais déjà été introduit dans les cercles d'astrologie … »

Ben alors Henry, oui il faut dire que c'est autobiographique et qu'il se raconte..
Tu ne te fies jamais à la première impression dont on dit que c'est la bonne ? Et puis cette histoire d'odeur de la mort, t'es maso ou quoi ? Ou alors, veux-tu nous éclairer comme avec les cailloux du Petit Poucet, puisque tu refais le parcours visiblement ? En tout cas, grand Miller, c'est toujours une veine de se mettre dans tes pas, on sent tout ton intime, sa force, sa faiblesse, et surtout le plaisir généreux que tu as de vouloir nous faire partager les affres de ta vie !

Contrairement à beaucoup d'hommes contemporains, ton espèce de nomadisme comme style de vie qui t'en a fait voir de toutes les couleurs, n'a pas seulement enrichi la dimension extérieure de ton être, mais avec le temps a bonifié ton âme, la partie secrète et intime, ta dimension intérieure au point de faire de toi paradoxalement un grand sage et comme un démiurge de ton regard acéré et devin que tu as porté sur ce monde. Toute une jeunesse paumée, perdue a vu à travers toi qu'il y avait d'autres valeurs humaines dans la vie, comme une forme de salut. Peut-étre que c'est toi qui a mis de l'ordre dans leurs idées finalement ! Peut-être aussi que cette pensée ne fut-elle qu'une transition au sortir des guerres et des cataclysmes, mais il eût été aveugle de ne pas l'appréhender comme tu l'as fait à ta manière et de l'imposer aussi souverainement.

Cette manière qu'a Henry de nous prendre par la main et de nous entraîner dans son affaire est une mise en situation primesautière qui m'épate. Il ne tourne pas autour du pot ! Comme s'il donnait le choix au lecteur : tu me suis, ou tu fais autre chose sans ménagement.
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