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Un Diable au paradis (publication Buchet/Chastel. 1957. 190 pages)
Henry Miller.

Ah que j'aime ce « Diable au paradis » d' Henry Miller qui tour à tour me touche et me séduit par son lyrisme et son humour décalé. Cette histoire contemporaine bâtie sur un thème vieux comme le monde : l'ami qu'on invite à la maison croyant le connaître comme si on avait une dette envers lui d'hospitalité et qui va vous pourrir la vie au fil des jours. Une double face en somme jamais perçue lors de rapports précédents plutôt aimables, dans des circonstances pourtant particulières, mais quand rien ne vous obligeait à le faire au nom d'un compagnonnage lié à des rencontres nécessaires de la vie.

Il y a toujours une part inconnue chez « l'ami » ou plutôt ce n'est jamais garanti de pouvoir compter sur quelqu'un d'autre prétendument ami à 100/100 à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Et puis les arrimages entre personnes vont rarement dans le sens de pouvoir se dire qu'ils sont d'une confiance totale. Et puis aussi notre faiblesse humaine n'y serait-t-elle pas pour quelque chose ? ..

« Ce fut Anais Nin qui me présenta à Conrad Tericaud. Un jour de l'automne 1936, elle l'amena à mon studio de la villa Seurat. Dans l'ensemble, mes premières impressions ne furent pas très favorables. L'homme semblait sombre, didactique, entier dans ses opinions, centré sur soi. Tout son être était imprégné de fatalisme.
Il arriva en fin d'après-midi et, après avoir bavardé un moment, nous allâmes manger dans un petit restaurant de l'avenue d'Orléans. Sa manière de parcourir le menu me fit aussitôt deviner qu'il était tatillon. Durant tout le repas, il ne cessa de parler, sans que cela l'empêchât d'apprécier la nourriture. Mais c'était le genre de conversation qui ne va pas avec la nourriture, qui la rend indigeste.
Il y avait sur lui une odeur dont malgré moi j'avais conscience. Un mélange de lotion de toilette, de cendres humides et de tabac gris, teinté d'une touche d'un parfum élégant et insaisissable. Plus tard tard, le tout devait se fondre en une seule et indubitable émanation .. l'odeur de la mort.
Avant de connaître Téricaud, j'avais déjà été introduit dans les cercles d'astrologie … »

Ben alors Henry, oui il faut dire que c'est autobiographique et qu'il se raconte..
Tu ne te fies jamais à la première impression dont on dit que c'est la bonne ? Et puis cette histoire d'odeur de la mort, t'es maso ou quoi ? Ou alors, veux-tu nous éclairer comme avec les cailloux du Petit Poucet, puisque tu refais le parcours visiblement ? En tout cas, grand Miller, c'est toujours une veine de se mettre dans tes pas, on sent tout ton intime, sa force, sa faiblesse, et surtout le plaisir généreux que tu as de vouloir nous faire partager les affres de ta vie !

Contrairement à beaucoup d'hommes contemporains, ton espèce de nomadisme comme style de vie qui t'en a fait voir de toutes les couleurs, n'a pas seulement enrichi la dimension extérieure de ton être, mais avec le temps a bonifié ton âme, la partie secrète et intime, ta dimension intérieure au point de faire de toi paradoxalement un grand sage et comme un démiurge de ton regard acéré et devin que tu as porté sur ce monde. Toute une jeunesse paumée, perdue a vu à travers toi qu'il y avait d'autres valeurs humaines dans la vie, comme une forme de salut. Peut-étre que c'est toi qui a mis de l'ordre dans leurs idées finalement ! Peut-être aussi que cette pensée ne fut-elle qu'une transition au sortir des guerres et des cataclysmes, mais il eût été aveugle de ne pas l'appréhender comme tu l'as fait à ta manière et de l'imposer aussi souverainement.

Cette manière qu'a Henry de nous prendre par la main et de nous entraîner dans son affaire est une mise en situation primesautière qui m'épate. Il ne tourne pas autour du pot ! Comme s'il donnait le choix au lecteur : tu me suis, ou tu fais autre chose sans ménagement.
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"Un diable au paradis, Miller ? Des années durant, cela ne fit aucun doute. Il fut le diable du paradis américain, l'écrivain par qui le scandale arrivait, le pourfendeur de toutes les hypocrisies, l'individualiste irrécupérable, l'ennemi juré du puritanisme, celui qui dénonça, en une expression et un livre de 1945 demeurés fameux depuis le cauchemar climatisé de son pays natal (...). Mais il ne faut pas s'y tromper. Quand Miller écrit Un diable au paradis en 1956 (...), il ne songe pas du tout à se vouer aux enfers (...). Un diable au paradis est un petit livre (...). Mais s'il nous touche, c'est parce que Miller y raconte d'abord Miller. Parce qu'il y témoigne de cette étonnante liberté de ton et d'humeur. Parce que tour à tour, il médite, il imagine, il s'indigne, il digresse, il rêve, il s'emporte (...) Et parce que Miller n'est jamais aussi grave que quand il est léger. Ni aussi philosophe que quand il se veut simplement chroniqueur." A la lecture de ces quelques lignes extraites de la préface de Nicole Chardaire, on se demande bien qui est le fameux diable en question. En tous cas, il ne s'agit aucunement d'Henry Miller. Non, le diable est ici campé par Conrad Tericand, un astrologue dépressif et désargenté à qui Henry Miller et sa femme Anaïs Nin, offrent l'hospitalité...

Avec Un diable au paradis, nous sommes loin du génie de l'immense trilogie des Sexus, Plexus, Nexus. Il s'agit d'un titre discret qui dévoile un Henry Miller compatissant et d'une patience à toute épreuve. Conrad Tericand, l'odieux astrologue, n'est pas sans rappeler l'agaçant Ignatus Reilly de la Conjuration des Imbéciles de John Kennedy Toole. Avec ses manières d'enfant gâté, son air toujours pitoyable et surtout son affreuse gale, Tericand est un ami "difficile à aider". On ne comprend d'ailleurs pas bien l'indulgence dont Miller fait preuve à l'égard de son "alter-égo capricorne". Comme bien de ses amis, on aurait juste envie de dire à Miller d'envoyer balader ce diable qui ne se plait finalement pas au paradis qu'il lui sert sur un plateau (Big sur). Avec ses exigences en talc de marque, en cigarettes françaises et en pilules de codéine, Tericand est un personnage détestable... Pourtant, en loyal ami, Miller forcera même son indulgence jusqu'au point de non retour : celui où il n'est même plus capable d'éprouver quelque pitié sensée pour l'astrologue galeux... le livre commence dans une platitude désespérante. Il a d'ailleurs bien failli me tomber des mains et si je n'avais pas insisté sur la lecture, je serais probablement passé à côté du livre. Il faut en effet attendre le milieu du livre pour que Miller exprime enfin toute la philosophie et je dirais presque l'abnégation dont il est capable. Alors seulement à ce moment-là, on retrouve un peu du Miller des Tropiques...

A y regarder de plus près, c'est vraiment lorsqu'il s'abandonne à sa colère et à son indignation contre Tericand que Miller donne le meilleur de son art : "L'homme potentiel ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'un homme actualise - ou réalise - de son potentiel. Et qu'est-ce que l'homme potentiel, en fin de compte ? N'est-ce pas la somme de tout ce qui est humain ? Divin, en d'autres termes ? Vous me croyez à la recherche de Dieu ? Non. Dieu est. le Monde est. L'Homme est. Nous sommes. Ma réalité est pleine, c'est Dieu... et l'Homme et le Monde, et tout ce qui y est, y compris l'innommable. Je suis pour la réalité. Pour une réalité de plus en plus grande. Je suis un fanatique de la réalité, si vous vous voulez." (p.82). S'insurgeant contre l'astrologie dont Tericand se proclame, Miller déclare encore : "Le savoir alourdit, la sagesse attriste. L'amour et la vérité n'a rien à voir avec le savoir ou la sagesse : il est au delà de leur domaine. Quelque certitude que l'on possède, elle est au delà du royaume de la preuve." (p.87). Cela dit, Un diable au paradis est loin d'être un livre inoubliable. Ce qui m'a surtout interpellé, c'est la gale dont Miller se rend compte qu'il est atteint : "J'en étais là de mes réflexions lorsqu'une idée étrange me vint à l'esprit... c'est que j'étais moi aussi atteint de la gale. Mais d'une espèce de gale impossible à gratter, d'une gale qui ne se manifestait pas physiquement. Pourtant elle était bien là. Là où toute gale prend son origine et son aboutissement. L'ennui c'est que personne n'aurait pu me prendre en flagrant délit de grattage. Et cependant je ne faisais que cela jour et nuit. Fiévreusement, frénétiquement, sans répit." (p.141). Car en y réfléchisant bien, nous portons tous quelque part notre propre gale...

Pour finir, la lecture d'Un diable au paradis me parait adapté pour les inconditionnels de Miller. Pour ceux qui ne connaissent pas son oeuvre, découvrir plutôt la sulfureuse trilogie de la Crucifixion en rose : Sexus, Plexus, Nexus. Et bien sûr, pour ceux qui souhaitent aller plus loin, n'hésitez pas à consulter cet article de Nicolas Giorgi sur le site de nécessité vertu.
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Mais quel boulet ce mec !!
“Quand un homme se noie sous vos yeux, est-ce qu'on ne lui tend pas la main ?” nous demande l'auteur, alors vous, je vous connais, vous qui avez le coeur sur la main, vous lui répondez, mais évidemment, on va voir ce qu'on peut faire pour vous venir en aide. Eh ben savez-vous que votre bonté légendaire risque fort de se transformer en cauchemar ? Pour peu que l'invité ait des dettes, il va compter sur vous pour les solder. Il va réagir à votre manière d'éduquer votre fille, dire à votre femme qu'elle n'a rien à espérer d'un anarchiste comme vous. Sans compter que le vieux Téricand est atteint de la gale et se gratte toute la journée. Il ne supporte plus la chambre que vous lui avez généreusement cédée, vous lui achetez du talc mais cela ne convient pas car Môssieu a besoin du talc Yardley.
Alors vous, avec votre esprit positif (je vous l'ai dit, je vous connais), vous l'encouragez à sortir de ses emmerdements, vous tentez de le valoriser, vous le mettez en relation avec vos amis pour qu'il sorte de cette spirale infernale, vos amis qui, du reste vous demandent qu'est-ce que vous foutez avec ce type, qu'il n'y aura rien à en tirer et que le mieux est que vous le mettiez dehors manu militari. Bref, c'est la cata car lorsqu'enfin vous vous décidez à rompre avec ce parasite, eh ben vous savez quoi ? Il vous menace. Si, je vous jure.
Tiré d'une histoire vraie, cette lecture est un régal, elle m'a rappelé la façon dont nous avions hébergé un américain à Toulouse au début des années 80 le temps qu'il se trouve un logement, sauf qu'il ne cherchait pas et que nous le faisions pour lui. Un jour, après des mois de cohabitation forcée, il nous annonce qu'il a fait connaissance avec d'autres américains sur la place du Capitole et qu'il les avait invités à manger chez nous le soir même. Ce fut la goutte d'eau. Eh ben ce fils d'universitaire de la prestigieuse université de Stanford est parti en nous piquant notre unique rouleau de PQ.

Non mais dans quel monde on vit !!

Challenge Multi-Défis 2023
Challenge Riquiqui 2023.

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Je ne vous apprendrai rien, Henry Miller, écrivain américain a eu son époque parisienne. À Paris il eu l'occasion d'avoir grand faim et froid et surtout de côtoyer les milieux littéraires et artistiques des années 30 dont l'ami Blaise Cendrars et Anaïs Nin

Dans cette aventure parisienne il se serait également lié avec un certain Téricand, astrologue, personnage insolite et totalement maniaque…
L'américain se prend d'amitié pour ce personnage décalé, et de retour aux États-Unis va commettre une terrible imprudence : le coeur sur la main il accepte d'accueillir et d'héberger chez lui Téricand.

"Un Diable au Paradis", est le journal féroce et drôle de cette cohabitation, totalement ratée. Comme le disait Céline, les autres ne vous pardonnent jamais les services que vous leur rendez… En aidant ce malheureux, la vie d'H. Miller et son épouse va devenir un véritable enfer.

On ri beaucoup tandis qu'Henry Miller se rend compte de son erreur.

Mais il y a un plus. le Téricand qui nous est (re)présenté, qui on l'imagine a réellement existé (Conrad Moricand de son vrai nom), ressemble bizarrement à l'Ignatius Reilly de la Conjuration des Imbéciles.
Mince alors… ce genre de type… ça existe !
Si Miller avait hébergé Ignatius, les choses ne se seraient sans doute pas passées autrement, c'est chouette la vie !
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Deux enseignements : la générosité est un vilain défaut ; il faut se méfier des astrologues.

Henry Miller, dans ce roman, se laisse emberlificoter par un certain Téricand, vaguement astrologue, beau parleur et dans la dèche. L'écrivain lui fait traverser l'Atlantique, l'installe chez lui, subvient à ses besoins et le sauve de la misère la plus noire.

Le problème, c'est que Téricand est capricieux, arrogant, menteur, grincheux, dépensier, galeux, larmoyant, pédophile, suisse, manipulateur, opiomane, parasite, rancunier, colérique, athée, lâche, bavard et méchant.

Son hôte, si touché pourtant par sa détresse, fait tout pour se débarrasser de ce parasite, comme tout le monde avant lui. Pauvre Téricand, est-on tenté de soupirer avec Henry Miller ! Puis on se dit qu'il vaut mieux l'avoir en photo qu'en pension, que Téricand, comme personnage de roman, est une réussite, mais qu'il est sain, en fermant le bouquin, de penser qu'il n'a jamais existé pour de vrai.
Lien : http://www.lie-tes-ratures.c..
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Le livre qui m' a fait connaître le monde d'un écrivain de haute tenue.
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Henry Miller, pique-assiette de profession, coule de jours paisibles avec Anaïs Nin son épouse dans sa résidence à Big Sur. le Cocktail prend un drôle de goût lorsqu'un étrange personnage prend place dans la maison. Téricand, passioné d'astrologie et grand ami de Miller... Ami? Vraiment?
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