Finalement, les douces ondulations des collines firent place à la plaine quadrillée de champs. Nous devions approcher d'un lieu de vie, et un grand. La terre noire était labourée de sillons bien droits aussi loin que portait le regard : des lieues et des lieues de terre fouettée, fauchée et battue jusqu'à la soumission.
L'attente m'agaçaient les nerfs de la tête aux pieds, comme si du verre pilé s'était mêlé au sang de mes veines.
- Ils envoyaient ses.. j'allais dire "ses hommes", mais des rumeurs disent qu'ils sont pires, eux aussi.
- Qu'y-a-t-il de pire que les hommes ?
- Pas grand-chose.
Ils arrivèrent lors d'un début, en amenant avec eux la fin.
Je pensais d'abord que faire peur aux gens était une malédiction...
Mais j'aime qu'ils me craignent.
Je veux qu'ils me regardent et qu'ils pleurent.
Dans la forêt, on trouvait de l’hamamélis, de l’écorce de saule et d’autres remèdes pour soigner les plaies. Si connaître la terre et tout ce qu’elle avait à offrir était bestial, alors être humaine ne m’intéressait pas.
Nous n'étions plus que huit, rien que des filles. Je les connaissais toutes depuis ma naissance ou la leur, mais la peur avait dressé des barrières entre nous. Je n'arrivais pas à croiser leur regard. Qui serait la prochaine à partir ?
Je refusais de penser que nous avions infligé cette cicatrice à la forêt, même malgré nous. Il était important pour nous de quitter un endroit sans laisser la moindre marque durable de notre présence sur le monde. « Ne prenez que ce dont vous avez besoin, nous répétait la Vieille Charani. Laissez-en assez pour ceux qui passeront après vous.
Elle prit la pierre et se pencha à mon oreille pour me murmurer quelque chose. (…)
Et je me rendis compte alors que j’aurai dû lui dire, moi aussi, que je l’aimais.
Parce que c’était vrai, puisque mon cœur venait de se briser.
Un vampire ne connaît pas l'amour, rien que la soif. Et c'est en cela, plus qu'en tout autre chose, que nous sommes maudites.