Un trait de caractère que j'imagine avoir hérité de mes lointains ancêtres mongols qui parcouraient sur leurs petits chevaux des espaces gigantesques pour agrandir le domaine du vent, de la neige et de l'herbe rase, c'est la promptitude avec laquelle je délaisse le peu de biens que j'ai conquis et poursuis ma route hasardeuse, guidé par les seules étoiles.
Pour ne pas périr étouffé, je lisais de la poésie ou des récits de voyages.
Que le vrai ne soit pas toujours vraisemblable, nous le savons, mais que l'invraisemblable soit une dimension du vrai, nous rechignons à l'admettre, tant il nous plaît de croire que les évènements de ce monde sont le fruit de nos décisions éclairées.
Quand le temps presse, disait mon père, quand les évènements se précipitent, quand les sensations s'emballent, se bousculent, fondent sur toi sans crier gare et que leur violence te laisse sans voix, introduis de la lenteur dans le cours des choses qui vont de soi; de la lenteur, de la lenteur jusqu'à l'exaspération, comme une soudaine distance entre le coup et la blessure, un espace pour s'étendre et pour respirer.
Que dire de plus? Le passé est impitoyable. Certains croient s'en prémunir en lui tournant le dos et en remontant le col de leur veste. D'autres, parmi lesquels j'aurai voulu figurer, courent à toutes jambes devant lui en multipliant les crochets comme les jeunes gens qui s'élancent devant les taureaux lâchés dans les rues. Mais le passé a des ruses que nous n'imaginons pas. Il lui arrive d'emprunter des raccourcis et de nous attendre à un carrefour, ou au coin d'une avenue, devant un cinéma qui ferme ses portes ou dans une chambre d'hôtel, voire au fond de notre lit.
Mais le passé a des ruses que nous n'imaginons pas. Il lui arrive d'emprunter des raccourcis et de nous attendre à un carrefour, ou au coin d'une avenue, devant un cinéma qui ferme ses portes ou dans une chambre d'hôtel, voire au fond de notre lit.
Je crois que les morts n'en finissent pas de nous conduire, de nous perdre, de nous enchanter et de nous faire souffrir jusqu'à l'heure où notre disparition leur permettra de goûter enfin le repos que nous leur avons refusé.
A qui la faute? Et pourquoi faudrait-il qu'il y en ait une?