Citations sur Bouche cousue (18)
Et puis je parle, je parle, je parle. Bouche décousue, je dis des mots, n’importe comment, comme ils me viennent : J’écris ton nom liberté, il dit oui à ceux qu’il aime il dit non au professeur, je ne sais pourquoi sans amour et sans haine mon cœur a tant de peine, fais comme l’oiseau ça vit d’air pur et d’eau fraîche un oiseau, auprès de mon arbre je vivais heureux, mon doux mon tendre mon merveilleux amour, yesterday oh I believe in yesterday, avec le temps va tout s’en va, à la claire fontaine j’ai trouvé l’eau si belle, je me suis enfin résolu à n’être pas absolument moderne, et nos amours faut-il qu’il m’en souvienne la joie venait toujours après la peine, c’étaient pas des amis choisis par Montaigne et La Boétie… Et ainsi de suite, un pot-pourri, en chantant devant la glace.
Pouvoir parler me semble une chance immense – comme si je pouvais enfin marcher après avoir été paralysé. Pourtant je garde mon petit carnet sur moi, ce qui me laisse le choix : écrire ou parler.
Je ne m’étais jamais servi d’un rouge à lèvres. J’avais souvent vu des femmes sortir un bâton de rouge de leur sac et se l’appliquer hâtivement ou consciencieusement, puis faire pénétrer la couleur en une espèce d’étrange baiser, d’une lèvre à l’autre, comme si une lèvre embrassait l’autre. J’avais sans le vouloir imaginé la sensation produite, par identification automatique ; et je m’étais parfois surpris à effectuer ce même mouvement de la bouche, cette caresse mutuelle des lèvres – car ce mouvement est toujours doux, même chez les femmes brusques, cela m’avait souvent frappé.
La salle de bains était métamorphosée. Dé-féminisée. On aurait dit qu’elle avait été cambriolée. De tout son joli bazar, de soins, de crèmes, de brosses, de produits de beauté, parfums, maquillage, etc., il ne restait plus rien. La salle de bains était toute nue. Vidée de son sens. Mon rasoir, mon peigne et ma brosse à dents avaient l’air d’orphelins, de petits enfants abandonnés. Les objets qui restaient débordaient de chagrin, isolés, désolés. J’ai eu envie de consoler ma brosse à dents, de la prendre contre moi, de lui dire C’est rien, va, ça va passer. Je me suis retenu. Parler aux brosses à dents, ce n’est pas facile, quand on n’a pas l’habitude.
Pouvoir parler me semble une chance immense – comme si je pouvais enfin marcher après avoir été paralysé. Pourtant je garde mon petit carnet sur moi, ce qui me laisse le choix : écrire ou parler.
La femme est plus altruiste, plus conciliante, et elle… elle se fait avoir.
Les hommes sont éduqués ainsi, encouragés dans leur égocentrisme, valorisés en tant que mâles, et du coup ils manquent foncièrement d’empathie.
Mourir me semblait le jeu final. En un sens, la vie était imaginaire, à inventer au fur et à mesure, à modifier selon les envies.
Je ne m’étais jamais servi d’un rouge à lèvres. J’avais souvent vu des femmes sortir un bâton de rouge de leur sac et se l’appliquer hâtivement ou consciencieusement, puis faire pénétrer la couleur en une espèce d’étrange baiser, d’une lèvre à l’autre, comme si une lèvre embrassait l’autre. J’avais sans le vouloir imaginé la sensation produite, par identification automatique ; et je m’étais parfois surpris à effectuer ce même mouvement de la bouche, cette caresse mutuelle des lèvres – car ce mouvement est toujours doux, même chez les femmes brusques, cela m’avait souvent frappé.
Les mots me manquent. Même les mots pensés. Moi qui invite si souvent mes élèves à trouver des synonymes ou des métaphores quand les mots leurs font défaut, je ne trouve rien. Et je ne cherche pas.