Ces femmes sont considérées comme des parenthèses lorsqu’il n’y a pas de mâle disponible dans l’immédiat, un ersatz de mâle ou un mal nécessaire en quelque sorte ; elles sont des héritières, filles de, veuves de, mères de…
C’est le cas de Blanche de Castille, restée dans l’histoire comme « la mère de Saint Louis ». Fille du roi de Castille Alphonse VIII, belle-fille du roi de France Philippe Auguste, épouse du roi Louis VIII, mère du roi Louis IX : toujours rattachée à un homme, elle n’a jamais été reine de plein droit.
La littérature théologique médiévale est remplie d’affirmations misogynes, et « la dévalorisation de la femme a pu se transformer, chez certains moines et certains ecclésiastiques, en une véritable hystérie antiféministe », comme le rappelle Jean Delumeau. Pour eux, « la femme est un mâle déficient, conjuguant l’imbécillité physique et la débilité mentale ». Comme nous le verrons, le plus beau compliment que les chroniqueurs adressent à Blanche de Castille, c’est qu’elle a montré des qualités mâles, et qu’elle aurait presque mérité d’être un homme.
C’est bien là qu’est le problème. Car il y a problème : retracer la vie d’une reine médiévale avec suffisamment de faits et de certitudes pour mériter le titre de « biographie » et dépasser la simple notice nécrologique, est une tâche quasiment impossible, en tout cas d’une extrême difficulté. Le travail est déjà suffisamment ardu lorsqu’il s’agit d’un roi ; il devient une gageure lorsqu’il s’agit d’une reine.
Nous sommes d’abord confrontés aux difficultés dues à l’époque médiévale, où, rappelle Hervé Martin, « le laconisme des sources peut inciter l’historien à combler les vides de la documentation en raisonnant en fonction de la vraisemblance ». Certains « historiens » ne s’en privent pas, et vont même jusqu’à emprunter des éléments à la littérature de l’époque, ce qui transforme la biographie en véritable roman.