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Critique de fanfanouche24


Librairie Chantelivre / Issy- samedi 8 avril 2023


Après avoir découvert avec enthousiasme cette auteure franco- iranienne à travers son texte : " Les Passeurs de livres de Darayan", je n' ai pas hésité un instant, en apercevant exposé son dernier livre, en pile... !

Involontairement, j'enchaîne actuellement des lectures documentées sur les dictatures en différents points du globe et diverses périodes : L'URSS (* "les larmes de Chalamov" de Gisèle Bienne), la Roumanie
( " Eugenia" de Lionel Duroy)...et nous voilà en Turquie, sous la férule du président Erdogan...

Dans ce roman , " notre auteure- reporter" fait entrer en scène Göktay, professeur à l' université du Bosphore d'Istanbul, professeur idéaliste et très aimé de ses étudiants...
Il rencontre Ayla, son grand amour, elle-même enseignante de français. Ils ont une petite fille, Denys...Tout serait dans le meilleur des mondes si Göktay ne se mettait pas en danger en signant pétition sur pétition pour défendre ses convictions, la liberté d'expression...dans une Turquie où le régime d'Erdogan a dérapé vers un régime des plus autoritaires...

Au lieu de "rester dans sa bulle familiale" il signe la pétition de trop...."une pétition pour la paix" avec un grand nombre de signataires dont d'autres professeurs et intellectuels , pour contester la décision d'Erdogan pour une offensive ( en 2018) contre le nord de la Syrie....
Göktay se retrouve emprisonné plus de deux années avec plusieurs procès aussi caricaturaux les uns que les autres !

Son épouse, Ayla, dans un premier temps en veut à Göktay; de ne pas avoir songé en priorité,à leur famille : leur petite fille et elle...
Très vite...elle va évoluer, faire des rencontres dont celles d'étudiants...solidaires et admiratifs de leur professeur !
Jusqu'à son étudiant le plus brillant qui parvient à lui faire passer les oeuvres de Jean- Jacques Rousseau ( avec une feuille signée de tous ses camarades)...

Ayla, consciente du courage et de la détermination de son mari, reprendra le flambeau avec force
conviction et une énergie sans faille...!

Je n'en dirai pas plus, car de nombreux sujets importants s'entrecroisent à travers l' histoire de ce couple d'enseignants et de ce professeur arbitrairement détenu et destitué de ses fonctions à l'université d'Istanbul:

- le régime dictatorial et une société sous terreur..

- l'acharnement d'une dictature sur une communauté prise comme bouc- émissaire (* pour le gouvernement turc d'Erdogan, la persécution des Kurdes, accusés de tous les maux !)

- le rôle prépondérant des Résistances dont celles des intellectuels et des professeurs....

- Les méfaits de la propagande constante d'un gouvernement et ses conséquences durables sur les individus

-La guerre, la violence étatique généralisée vécues tragiquement par les enfants , entraînant des chocs et des culpabilités durablement, adultes.( ***Göktay traumatisé par la perte prématurée de son père, militaire, mort assassiné ...dont il ne comprendra que fort tardivement les véritables coupables...puis la génération suivante, où sa propre petite fille, Denys vit avec désespoir l'arrestation de son père adoré)

- L'omniprésence du mensonge," sport national" pour les régimes autoritaires...qui fausse tout , jusqu'aux rapports entre les personnes.

Une lecture au style fluide et agréable , rayonnante en dépit des thèmes graves et oppressants..car la Lumière, l'espoir subsistent avec les descriptions de la Résistance , du courage d'hommes, de femmes , jeunes comme vieux...contre l'arbitraire, et la terreur induite par un seul homme !

En dépit des arrestations arbitraires, de la peur, d'un quotidien angoissant...d'un gouvernement inique...reste l'amour inconditionnel des personnes pour leur pays ou une ville d'enracinement familial, ayant du mal à quitter leur terre natale...je finis ce billet avec un extrait éclairant , montrant bien cette ambivalence :

"C'est cela qu'elle a toujours aimé : le monde entier se donne rendez-vous à Istanbul. Il suffit de se perdre dans les allées du Grand Bazar, de s'attabler à n'importe quel café pour croiser des gens d'ailleurs, exilés, touristes, hommes d'affaires en transit. Il suffit de fermer les yeux pour se laisser bercer par un méli-mélo de langues européennes, de russe, d'arabe, de persan, d'hébreu, étonnant dialogue fictif entre ressortissants de pays ennemis qui se retrouvent ici, comme si de rien n'était. Sa ville- monde a beau être fière de sa diversité, elle n'en demeure pas moins la cité de tous les dangers, hanté par un passé fait de pogroms, de massacres, d'autoritarisme en tout genre.Son histoire a prouvé qu'elle pouvait sans transition devenir ville- monstre, capable de dévorer ses propres habitants."


(**Une parenthèse par rapport à une actualité proche: Des pensées pour le peuple turc qui, dans un mois, *le 14 mai, aura rendez-vous devant les urnes, pour l'élection présidentielle !)








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