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Critique de Fleitour


Inouï, poignant, est le récit de Delphine Minoui qui raconte l'agonie d'une ville, Daraya, dans la banlieue de Damas, la cascade des événements qui vous prend aux tripes, l'implacable et minutieuse extermination de toute vie, en devenant un nouveau Guernica syrien.


Entre Daech et le régime de Bachar al Assad, entre le terrorisme affirmé des uns, et l'aveuglement des autres, est-il possible de concevoir, d'imaginer, de construire une autre voie qui propose le pacifisme, la liberté ?
Cette Voix les jeunes de Daraya ont décidé de la porter, tel un destin un peu fou, guidé par ces paroles, " il n'existe pas de prison qui puisse enfermer la parole libre ; il n'existe pas de blocus assez solide pour empêcher l'information de circuler, Mazenn Darwich le 23 avril 2016."


Cette foi en un avenir possible pour la Syrie, un espoir de vérité, un espoir collectif de partage, de respect et de liberté, cette foi va s'exprimer par les mots ; ceux qui libèrent, ceux qui permettent d'échapper aux fracas des bombes, concrètement s'exprimer par la création d'une bibliothèque secrète, au fin fond des décombres.


Cette fabuleuse aventure des Passeurs de Livres de Daraya, est enregistrée, écrite, par les mots de Delphine Minoui, qui suit la page Human of Syria un collectif de jeunes photographes qui évoque cette bibliothèque secrète. Delphine Minoui installée à Istanbul, recueille pas à pas, témoignage par témoignage, et tisse cette immense clameur, les noms, les urgences, les bombes, le quotidien des habitants encore terrés dans Daraya.


Malgré le cauchemar quotidien, malgré le halètement des liaisons Internet, les messages passent, des films, des livres deviennent cultes, comme une façon de partager quelque chose d'autre que la terreur; Amélie Poulain, l'Alchimiste, les Misérables, la Coquille (de l'écrivain syrien, chrétien, Moustapha Khalifé après 12 années de détention ), II y aura bien d'autres ouvrages, de toutes sensibilités comme « État de Siège » de Mahmoud Darwich, poète palestinien, car pour ces jeunes il n'y a pas de place pour la censure.


Comment ne pas évoquer cet homme un peu fou qui va devenir au fil des pages l'un des principaux informateurs, Shadi." Shadi, s'est tu dans un silence recueilli, son inséparable appareil a fait barrage entre lui et la mort. La caméra aura fonctionné jusqu'au dernier clic. P 122"
Jour après jour il a enregistré toutes les bombes qui tombaient, toutes les destructions, toutes les preuves de l'aveuglement d'un homme Bachar al Assad, Cet aveuglement, est devenue obsessionnel, sans limites objectives, dicté seulement, par une méticulosité d'apothicaire du dosage de l'horreur.


Après Guernica, Hiroshima, Sarajevo, Daraya distille le procédé le plus ignoble de la torture, annoncer l'arrivée de vivres, pour ne livrer que des vaccins, suspendre les frappes, pour mieux piéger les espoirs, dans une cruauté chimique au napalm.
Bachar El-Assad n'est plus qu'un pantin, un pendule accroché au string de Poutine, qui ne manquera pas de le lâcher le moment venu. Qui paiera cette débauche de bombes, 8000 barils d'explosifs ont été largué sur la cité.


Le livre se terminera sur les morts qui ont émaillé ce récit, Abou El-Ezz co-directeur de la bibliothèque, Omar qui voulait incarner une troisième voie. Mais l'espoir aussi clôture ce livre, un espoir toujours présent, qui continue à s'écrire, et alerter sur le désastre. Il n'y a pas de dérision inutile, il n'y a pas d'ironie inutile, "le shili, un garde fou, une logorrhée qui éclot sous les flammes quand la guerre brûle les derniers mots.p135"

Il reste un rêve, un rêve de papier, ce livre sorti des imprimantes en octobre 2017, ce rêve à travers le récit de Daraya, ne doit pas s'évanouir, ce rêve de liberté est trop fort, trop juste, trop essentiel, trop vital pour le laisser sur une étagère.
Ce rêve à nous de le faire vivre.

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