Citations sur Des Artistes, Série 2 : Peintres, Sculpteurs et Musiciens (4)
On discute fort, en ce moment, l'emplacement que devra occuper, l'année prochaine et les années subséquentes, le Salon de peinture. Chacun propose son idée et il y en a, dans le nombre, d'admirables. Les uns voudraient qu'on couvrît de verre la place Vendôme, et qu'on l'aménageât en salles d'exposition. Mais Napoléon s'y refuse. Les autres réclament la place du Carrousel. Mais Gambetta s'y oppose. D'autres encore projettent de boucher la perspective des Tuileries par d'immenses baraquements. Il y en a même qui ne craignent point de troubler de leurs disputes le silence provincial du Palais-Royal et le calme gothique du Parvis-Notre-Dame. Quelques-uns offrirent de mener jusqu'au rond-point des Bergères les blancs moutons de leur inspiration.
On m'a conté une petite histoire. Elle est vraiment bien « contemporaine », et c'est encore aux peintres, race féconde en histoires de tous genres, qu'on la doit. Je ne sais si elle est vraie. En tout cas, elle est vraisemblable et tout à fait « d'ensemble », comme ils disent, avec l'époque. La voici dans sa brève brutalité.
Il paraîtrait que la décoration de Puvis de Chavannes, pour le Panthéon, n'étant pas absolument achevée, — il ne manque qu'une partie de la frise, — un syndicat de peintres — ah ! toujours les syndicats ! — aurait suggéré à M. Henry Roujon l'idée protectrice d'envoyer lesdites décorations dans un musée quelconque, même de province, et d'en confier de nouvelles à quelques peintres qualifiés. Quand je dis ; qualifiés, je ne sais si je me fais bien comprendre... Il faut vivre, n'est-ce pas ?
Kariste s'est trompé sur soi-même. Ce n'est ni un peintre ni un critique : c'est un prophète. Il en a le geste emporté et l'éloquence vocératrice. Dès qu'il m'eut aperçu, il vint à moi.
— Nom d'un chien !... fit-il. Hein? Crois-tu que c'est beau ?... Crois-tu que c'est un grand bonhomme, ce Rodin ?... Et, tu sais, ils n'ont pas l'air de se douter que c'est une date dans l'histoire de la sculpture... que c'est quelque chose de formidable... une conquête de l'élément...
La première personne que je vis en entrant, vendredi, au Salon du Champ de Mars, ce fut Kariste. Il était auprès du monument de Victor Hugo. Avec de grands gestes, avec des paroles ardentes et précipitées, il commentait son enthousiasme à des groupes de visiteurs qu'il ne connaissait pas.