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Critique de DianaAuzou


LES INVITEES – nouvelles -, CHRISTINA MIRJOL, CM 2019*****

Les invitées, neuf pages seulement, une rencontre entre elle et la petite fille, et la plume sensible, attentive, tout en retenue de Christina Mirjol, reste à l'écoute, nous fait entrer sur la pointe des pieds dans ce que la vie ne peut ignorer, qui nous arrive à tous, un jour… elle s'invite sans demander notre avis et y reste et nous partons.

Rien , « moi non plus je n'ai rien compris... » dit Emilie sur son lit d'hôpital, « je ne comprends pas, dit Elisabeth, elle était là, il y a cinq minutes... on est là et on n'est plus là, il n'y a rien d'autre à dire »p.22. Et un feuillet d'Hypnos de René Char me revient en mémoire : « ...Nous voici abordant la seconde où la mort est la plus violente et la vie la mieux définie. »(feuillet 90)

Le temps de notre vie, un collier de petites perles, minuscules, certaines sont colorées, d'autres pales, d'autres encore de vrais onyx noirs, chacune liée à sa voisine, toutes ensemble ouvrent et ferment le collier de notre temps sur terre. Mémoire ou souvenir oublié de la première perle, présence de celle qui vient d'arriver, regard sur la dernière qui, jamais invitée, se pointe quand même à un moment donné.
Gestes, moments furtifs, un mot des mots, quelques questions, faits sans valeur aucune, avec beaucoup d'importance, éparpillés, égarés, sans commencement ni suite.

Pas de descriptions, ni de contemplation, juste des questions avec soi, dans l'éveil ou dans le rêve aux yeux grands ouverts. Plein de questions qui restent derrière, à la traîne, nous abandonnent dans notre avancée vers un rendez-vous que nous ne cherchons pas, qui vient à nous, le jeu de la vie dont elle seule rit, nous d'un rire jaune. Après son passage la non invitée laisse le manque, immense pesant rempli de souvenirs, d'une présence, de ses rires et ses colères, des moments sombres aux pas lourds, des moments légers lumineux aux pas rapides pressés, et toujours le manque en répétitions de clepsydre ; il oublie la chronologie du temps, il le fait reculer et l'arrête dans le passé pour le tirer après vers un futur incertain ou le laisser faire « ...il n'a plus qu'à attendre. A attendre que le temps passe. » p.103

Un drôle de rire « Elle est morte cette nuit. C'est cette petite phrase qui me reste… Cette petite phrase cinglante. Prodigieuse d'idiotie… Une telle énormité, me disais-je en moi-même, d'où sort-elle ?...Dans un duo de clown elle aurait pu jaillir… Des chapeaux et des poches, des manches pleines de farces… Elles glissent, elles se répandent et tous les personnages se tortillent et dérapent et se cassent la figure. »p.29. « Non ce n'est pas une blague… Mais qu'est-ce que c'est... si ce n'est pas une blague ? Et pourquoi donc je ris ? »p.33

Avec Anne L'écriture s ‘arrête devant la douleur, l'incompréhension, les souvenirs maintenant la seule réalité, l'écriture est muette et nous dit beaucoup par trois points de suspension…
Discrètement, la plume de Christina Mirjol se pose, tel un oiseau, sur la douleur et l'effleure en douceur comme pour ne pas la réveiller, comme pour lui dire que « Il ne fait jamais noir, tu ne trouves pas ?… Jamais vraiment tout noir... Jamais noir tout à fait. »p.66.

Elle arrivera un jour, nous le savons, mais restons ignorants du quand et du comment. Elle peut être rapide violente cynique un marathon de douleur ou un sommeil prolongé.
Une simple retouche. le « si seulement j'avais su » ne sert jamais à rien, c'est le plus que parfait. Elle nous enlève ceux qu'on aime, elle nous enlève à ceux qui nous aiment, pour elle peuvent être de simples retouches, mais pour nous…

Neuf nouvelles, un personnage, elle, qui s'invite sans être invitée. Par des touches d'aquarelle et un style simple, dépouillé, des plus émouvants, ou des évocations gravées par le mordant acide (Louise en été) Christina Mirjol parle de ce qui nous affecte le plus lourdement, de ce qui ne pardonne personne, cette auto-invitée qu'on devrait peut-être prendre au sérieux pour donner plus de légèreté et plus de valeur à la vie. Une invitation de l'auteure, délicatement détournée, à la vie, l'entretenir et la sauver, nous sommes tous invités.

Merci, merci Christina.
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