A travers un style poétique et détaillée l'auteur nous fait découvrir toutes les nuances de la culture indienne dans ce roman. de la pauvreté et la précarité la plus complète des basses castes à l'opulence et l'inhumanité des hautes castes en passant par la corruption et la brutalité de la politique, ainsi que la débrouillardise et l'entraide du peuple. On est projeté dans une société incompréhensive à travers des périples extraordinaires au sens où ils semblent inconcevables ici. Les personnages révèlent leur nature à la fois égoïste et immensément bienveillante. Ce roman dégage un grand sens d'humanité au coeur d'une société hiérarchisée et cruelle.
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C'est une chronique vivante et passionnante de la société indienne des années 40 aux années 70.
A travers les destins croisés des intouchables, les tailleurs Ishvar et Om, de Manek, jeune étudiant de bonne famille et de la superbe Dina, couturière parsie, le roman permet d'appréhender les archaïsmes, les violences, les misères et aussi les changements à marche forcée de cette société indienne « démocratique »encore immature.
Non sans ironie mais avec la dureté qu'inspire l'arbitraire, la critique du système politique et de ses tenants - avec le paroxysme de l'état d'urgence - est une constante du roman.
Alors de quel équilibre s'agit-il?
A l'échelle du pays, le contrôle des masses passe par le maintien de l'équilibre entre espoir et désespoir.
A titre individuel, « le secret de la survie réside dans l'équilibre de l'espoir et du désespoir, dans l'amour du changement. »
Savoir s'adapter en toutes circonstances, au risque de chuter.
J'ai beaucoup aimé ce roman original, à la fois dur, violent, fataliste mais avec quelques nuances d'espoir placées dans le coeur de l'homme.
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En toile de fond l'Inde des années Indira Ghandi, des vies entrecroisées appartenant à différentes castes et milieux.. Une société violente, brutale, profondément injuste. Sidérant. Les aventures à rebondissement des personnages, très attachants et finement dépeints sont captivantes. A lire absolument
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En 1975, en Inde, dans un train, se trouvent trois personnages, Ishvar Darji, tailleur, Omprakash Darji, dit Om, tailleur lui aussi, son neveu, et Maneck Kohlah, un jeune étudiant. Une accélération impromptue du train provoque une chute des livres que transporte Maneck sur Om ; les trois personnages font ainsi connaissance. Ils se rendent compte qu'ils vont exactement au même endroit, chez Mrs Dina Dalal. Les tailleurs vont y travailler car elle vient de créer une petite entreprise de couture, tandis que Maneck sera un hôte payant. En effet, Dina, malgré un frère riche et prospère, manque d'argent et veut conserver son indépendance. Ensuite, on va remonter le temps dans les premières années de l'indépendance de l'Inde, à la fin des années quarante et au début des années cinquante, pour observer les jeunes années de Dina en ville ainsi que celles d'Ishvar, dans un village pauvre à l'écart des métropoles. ● C'est une fresque fascinante, très romanesque et aussi très réaliste, qui porte à la fois sur un pays et sur trois familles : les Darji, les Schroff-Dalal et les Kohlah. On y voit combien le système des castes, au moins dans les campagnes, autorisait tous les abus de pouvoir des hautes castes, sous prétexte de l'« équilibre du monde » : une place pour chacun et chacun à sa place. ● Mais « l'équilibre » du titre reçoit d'autres définitions dans le roman, comme : « ‘ Il faut parfois utiliser ses échecs comme marchepieds vers le succès. Maintenir un bon équilibre entre l'espoir et le désespoir. ' Il s'arrêta, considérant ce qu'il venait de dire. ‘ Oui, répéta-t-il. Au bout du compte, tout est une question d'équilibre.' » ● On se rend compte aussi de l'autoritarisme du régime indien sous le gouvernement d'Indira Gandhi (dont j'avais pourtant une image plutôt positive), et tout spécialement sous l'état d'urgence et le « MSI » (Maintien de la Sécurité Intérieure) des années 1975-1977, qu'elle décréta pour être en mesure de conserver le pouvoir. Cet état d'urgence a autorisé tous les abus, toutes les corruptions, toutes les violences. ● La première ministre est ridiculisée dans les meetings qu'elle tient en forçant des milliers de pauvres hères à y assister pour faire nombre. ● le roman montre avec brio la vie des « gens ordinaires » broyée à la fois par les hautes castes et par le gouvernement, la police et tous leurs affidés. C'est ainsi par exemple que sous prétexte de limiter la population, des stérilisations forcées furent réalisées à grande échelle, ou encore, sous prétexte de l'embellissement des villes, on démolit les bidonvilles à tour de bras et sans préavis, jetant leurs habitants dans la rue du jour au lendemain. « Tu ne comprends donc pas ? Pour eux, nous sommes moins que des animaux. » ● Une ironie féroce est parfois utilisée par l'auteur : « Certaines blessures sont si banales que ça ne marche plus. Par exemple, arracher les yeux d'un bébé ne rapporte plus automatiquement d'argent. Des mendiants aveugles, il y en a partout. Mais aveugle, avec les orbites vides, des trous à la place des yeux et un nez coupé – pour ça, n'importe qui paye. Les maladies aussi, c'est pas mal. Une grosse tumeur sur le cou ou la figure, d'où suinte du pus jaune, ça marche très bien. » ● J'ai appris beaucoup de choses que j'ignorais sur cette période dans ce pays. Mais le livre n'est pas didactique, c'est un vrai roman, d'une ampleur et d'une flamboyance magnifiques. On ne voit pas passer les 880 pages, on ne s'ennuie pas une seconde, car l'auteur est un conteur hors pair. Il donne d'ailleurs une sorte de définition du récit : « Veillait-il à agencer les événements spécialement pour elle ? [Maneck raconte sa vie à sa mère.] Peut-être pas – peut-être que le fait même de raconter créait un dessin naturel. Peut-être les êtres humains possédaient-ils ce don de mettre de l'ordre dans leurs existences désordonnées. » ● Les personnages, fort bien décrits, complexes, riches, sont extrêmement attachants, y compris les personnages secondaires, comme le mendiant Shankar, le Maître des mendiants, Ibrahim le collecteur de loyers ou encore les parents de Maneck. ● C'est aussi une réflexion sur la précarité de la vie, sur l'impossibilité du bonheur qui pourtant n'empêche pas de rester au moins fataliste dans l'adversité. « La vie ne garantit pas le bonheur. […] Tout finit mal. C'est la loi de l'univers. […] En ce qui concerne les êtres humains, les seuls sentiments valables qu'ils puissent nous inspirer sont l'étonnement, pour leur capacité à supporter l'adversité, et la tristesse, car ils n'ont rien à espérer. » Car Dieu nous a abandonnés : « Maintenant je préfère croire que Dieu est un géant qui fabriquait un patchwork. Avec une infinité de motifs. Et le patchwork a tellement grandi qu'on ne peut plus discerner le modèle ; les carrés, les rectangles et les triangles ne s'emboîtent plus les uns dans les autres, tout ça n'a plus de sens. Alors Il a abandonné. » ● de plus, cet ouvrage est particulièrement bien traduit. ● Je remercie l'ami babeliote @traversay qui m'a recommandé ce livre superbe, qu'à mon tour je recommande vivement.
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Une incroyable fresque historique qui emporte vraiment avec plaisir malgré l'épaisseur du roman. Malgré des scènes difficiles et un un contexte historique et social pesant, de nombreuses scène donne à sourire voire rire et une saveur douce amère ressort de nombreuses scènes. Une grande justesse je pense
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