AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de iris29


On est en 1861, en Georgie, Scarlett ( 16 ans) , très frivole, est l'aînée d' une riche famille qui posséde une plantation de coton et cent esclaves. Tous les jeunes hommes des environs succombent à son charme, mais le seul dont elle est amoureuse, va en épouser une autre. Au cours d'un pique-nique, elle fait connaissance de Rhett Butler et pique sa curiosité, ils n'auront de cesse de se croiser dans les années à venir. Il est le seul à connaître son béguin, il est la seule personne de son entourage qui traîne une mauvaise réputation. Mais très vite, tout cela n'aura aucune espèce d'importance, la guerre est là, à leur porte, et tous les amis de Scarlett vont y partir... Tous sauf un !

Tout d'abord, vous dire que je n'avais jamais lu ce roman, ni vu le film , mais jeune , j'ai beaucoup lu sur le cinéma et je connaissais toutes les anecdotes de tournage. Et quand j'ai été moins jeune ..., que j'aurais pu remédier à cet oubli, il y avait comme un parfum de naphtaline sur cette histoire d'amour, comme un relent de racisme sur cette oeuvre que ça ne m'attirait plus du tout !
La nouvelle parution dans la collection Totem de Gallmeister a été l'occasion de réviser mon impression : je ne m'attendais pas à être aussi "emportée " ! Aussi conquise !

Alors, oui, j'ai été choquée par les mots employés pour qualifier les esclaves : les Négres... Oui, j'ai été heurtée par les faits relatés, l'air de rien, au détour d'une page , comme si c'était normal, banal. : comment un père “offrait” un domestique, un gamin noir de dix ans, à ses jeunes fils... Comment la cuisinière n'est pas remplacée parce qu'on en a pas acheté une autre ...
Mais ce qui nous choque aujourd'hui était " la norme" en 1861 . Margaret Mitchell a choisi d'écrire un roman historique et contrairement aux nombreux écrivains d'aujourd'hui qui réécrivent l'histoire avec un grand H , elle, elle respecte les pensées de l'époque. La famille de Scarlett possédait cent esclaves et on se doute bien qu'ils ne ressentaient aucune culpabilité, qu'ils ne remettaient pas leur "supériorité " en question...
La maison d' édition Gallmeister, a eu l'excellente idée ,d'ajouter au tout début du roman, une chronologie ( biographie de M Mitchell + les faits historiques à la même période ).
Margaret Mitchell (1900- 1049) a publié son roman en 1936. elle n'aura donc pas vu en 1955 , Rosa Parks se lever dans un bus , refusant de céder sa place à un blanc... Elle n'aura pas entendu en 1963, I Have a dream... le discours de Martin Luther King . Elle n'aura pas lu qu'en 1967, la cour Suprême des USA juge anticonstitutionnelle l'interdiction des mariages interraciaux... Dès lors, en remettant ce roman dans son contexte historique, en tenant compte du fait que Margaret Mitchell est née en 1930, peut-on lui reprocher de ne pas avoir été visionnaire ? C'est trop facile de juger les gens avec notre mentalité d'aujourd'hui...
On l'a accusée de n'avoir présenté qu'un point de vue, celui des Blancs, de présenter les esclaves contents de leur sort.
Certes, mais c'est plus compliqué.... Premièrement parce qu'elle n'occulte pas le fait que certains Noirs ont rejoint les Yankees, pour être libres, mais aussi parce que ses personnages esclaves ont du caractère, ont une réelle personnalité," ne font pas tapisserie" . Mammy sait très bien dire le fond de sa pensée et la petite Prissy sait très bien ralentir le rythme quand une corvée ne lui plait pas. Il faut savoir lire entre les lignes... J'ai adoré Mammy ! ( Rappelons que l'actrice qui jouait ce rôle a eu un Oscar pour l'adaptation de Victor Flemming (1939). )
Rappelons aussi que dans d'autres magnifiques romans qui sont devenus des classiques , les domestiques sont invisibles, les maisons se tiennent toutes seules, les tables sont garnies comme par enchantement. "Autant en emporte le vent", n'est certes pas "complet" de ce point de vue, mais il a le mérite de désinvisibiliser le personnel de maison. On les voit, ils parlent, le lecteur les plaint, et surtout le lecteur les aime...
Le lecteur comprend très bien ce que Margaret Mitchell dit ou ne dit pas, ce qu'elle effleure, ce qui appartient au passé. Ne pas faire confiance au lecteur pour "digérer" tout cela, c'est le prendre pour un abruti. Les racistes ,avec ce roman, resteront racistes, les autres seront choqués, heurtés, feront la part des choses et ressortiront moins ignorants de ce qu' a été la Guerre de Sécession qui est le deuxième point fort de cette histoire. ( 600 000 morts...)

D' habitude , je déteste la guerre dans les romans, ça ne m'intéresse pas. Mais Margaret Mitchell a changé tout cela, car elle l'aborde du côté de ceux qui ne se battent pas, ceux qui restent : les femmes, les personnes agées, les enfants et ceux qui en profitent, qui feront de l'argent. ( J'ai beaucoup pensé au roman contemporain "Le chagrin des vivants "...)
Il y a une forme de naîveté romantique chez ces garçons pressés de partir , persuadés qu'ils vont gagner. Il y a un côté poignant, chez ces femmes , élevées pour être "décoratives" qui vont devoir se retrousser les manches, pour soigner les blessés, trouver à manger, l'affreuse résultante de la guerre que jamais Margaret Mitchell n'occulte. Les détails sont extrêmement parlants, certains sont dérisoires , certains nous parlent dans notre chair, nous vont droit au coeur.
Oui, vraiment , la guerre racontée par une femme écrivaine, à travers les yeux de Scarlett qui jamais ne s'intéresse à la cause des Yankees (le pourquoi de la guerre l'indifférant ) est infiniment plus parlante (pour moi), que toutes les descriptions de stratégie guerrière, et armes...

Et j'en viens à Scarlett, pas intellectuelle pour trois sous, pragmatique, frivole, peste, égoïste, aimant plaire parfois au détriment de ses “amies”, n'aimant personne à part ses parents, et Ashley qui en épouse une autre... Scarlett ou l'anti-héroïne, tant elle est peu sympathique, faisant preuve de bonté toujours à contrecoeur, et parce qu'elle y est obligée pour le "qu'en dira-t-on" et son éducation. Scarlett , celle qu'on n'aime pas mais qu'on finira par admirer pour sa force de caractère quand elle porte sa maison et les âmes qui y vivent, à bras le corps, pendant la guerre.
Scarlett donne à ce roman LA touche de modernité, car cette héroïne ne correspond pas à son époque qui veut qu'une femme ne soit que bonté, générosité, qui veut qu'une femme soit une bonne mère. Scarlett est la seule à comprendre (avec Rhett Butler ) que le monde qu'ils ont connu est fini, la seule à comprendre qu'il ne reviendra plus (J'ai beaucoup pensé au roman le Guépard...)

Ce roman est formidablement bien écrit , ce fut un coup de coeur, j'ai eu l'impression de voir un film...

Commenter  J’apprécie          6911



Ont apprécié cette critique (69)voir plus




{* *}