Mais à présent, ajouta le patron, je te décrirais plutôt comme quelqu'un de persévérant, qui progresse pas à pas, dans une forêt de laine et d'acier.
Debout devant le clavier, il plaqua des octaves des deux mains.
Le piano-paysage se mit à respirer.
A mesure que s'égrenaient les sons, le corps imposant s'éveilla, étirant ses membres gourds avant de déployer ses ailes pour se préparer à chanter.
"Beauté" comme "justesse" étaient des mots nouveaux pour moi. Jamais je ne m'étais préoccupé de belles choses avant de rencontrer le piano. Non que je n'en connaisse pas; au contraire, j'en étais entouré. Simplement, je n'y prêtais guère attention.
Pour preuve : depuis ma rencontre avec l'instrument, je découvrais quantité de pépites parmi mes souvenirs. (p. 24)
Seules mes promenades en solitaire me donnaient un sentiment d'appartenance au monde.
C'était ce même sentiment que j'avais retrouvé dans les entrailles du piano.
Une révélation qui avait fait de lui l'homme qu'il était à présent. Accorder les pianos, forger leur son, libérer leur voix, voilà ce qui avait permis à Yanagi de se redresser et d'avancer dans la vie.
La joie qu'exprimaient les clients satisfaits devant un timbre harmonieux me rappelait celle du promeneur découvrant des fleurs écloses le long du chemin.