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Critique de PetiteBalabolka


"Un pedigree" est un livre sans enrobage a priori ce qui ne signifie pas sans valeur. Au début, il m'a donné le sentiment de livrer son matériau de manière brute, presque âpre, voici les éléments, je vous les livre. Ce roman autobiographique n'est donc pas le plus accessible de tous ceux que Modiano a écrits. Par contre, il donne des clés de lecture utiles pour la compréhension de l'oeuvre modianesque. Je ne les ai pas toutes repérées car je suis loin d'avoir tout lu de lui mais j'ai bien saisi l'allusion à la Croix du Sud, cet énorme diamant que l'on retrouve dans "Les dimanches d'août" et surtout j'ai mieux compris ce qui a pu inspirer le mal-être de "La Petite Bijou".
"Un pedigree" est une sorte de "roman-balises" où l'auteur s'efforce de fixer des noms, des dates, des lieux, des bribes de vies, s'excusant d'ailleurs pour toutes ces listes, ces nomenclatures qu'il sait fastidieuses et peu romanesques. Mais il veut fixer comme une urgence, le peu qui est connu, le peu qui a été donné ou pris. Lui qui a poussé sans pedigree, sans racine a besoin d'ancrer cette enfance comme du sable. Cela m'a fait penser aux piquets de bois vermoulus qui courent le long de la plage et descendent jusqu'au rivage. Il commence par retracer le parcours de ses parents avant qu'ils ne se rencontrent à Paris durant l'Occupation, elle, flamande, lui, juif, mais ayant eu l'intuition de ne pas se faire recenser comme tel. Des êtres sans grande attache, ballotés par la période, "deux papillons égarés et inconscients au milieu d'une ville sans regard". Un enfant puis deux naissent après guerre de ce couple presque fortuit. Chacun vaque à ses occupations, elle tente une carrière de comédienne, lui navigue dans un marais d'affaires glauques. Une illusion de famille sauf avec son frère, Rudy mais qu'il perd trop tôt. Il semble en visite dans la vie de ses parents n'arrivant jamais vraiment à les imprégner de sa présence, des parents qui se séparent et deviennent insaisissables. Il vit "en transparence", éloigné, quasiment oublié, passant du pensionnat à l'internat. Il est presque "sans objet", d'intérêt, d'amour et d'attention, la plupart du temps inopportun, que ce soit dans la vie de sa mère régulièrement à court d'argent ou dans celle de son père qui s'est remarié. Des bouées dans sa vie se dessinent, la lecture, l'amitié avec Raymond Queneau et on le devine, bientôt, l'écriture.
La souffrance associée à un tel manque d'amour n'a pas besoin, selon moi, d'être criée haut et fort à grands coups d'adjectifs grandiloquents pour être perceptible. Elle se comprend à travers chaque absence, chaque éloignement, chaque manquement. Personnellement, je n'attendais pas que Patrick Modiano braque le projecteur dessus de manière crue et vengeresse car cela ne semble pas lui correspondre. Mais pour autant, cette souffrance n'en est pas moins forte parce qu'elle est pudique.
Si la forme de ce livre pourrait, à d'aucuns, paraître presque frustre, pas assez travaillée, peut être est-ce pour préserver comme une écorce rugueuse mais protectrice, une matière trop sensible encore à vif. Peut être.



Lien : http://leschroniquesdepetite..
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