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Critique de markko31


Modiano est une île.
Aux rivages doux et perdus dans les brumes, un souvenir de monde perdu.
Une île sur la terre ferme, de préférence parisienne, certes.

Je risquais une overdose de ma toute récente passion, ingurgitant des mangas plus tordus les uns que les autres, quand j'ai justement éprouvé le besoin d'un havre de calme et de classicisme (trompeur, comme je m'en suis aperçu ensuite). Pourquoi pas un de nos prix Nobel français? Ce type de romans sur lequel on se dit qu'on devrait jeter un oeil, un jour où l'autre. Bien souvent, ce jour ne vient jamais. C'était pourtant le moment, et me voici pour la première fois avec un Modiano entre les mains, choisi un peu au hasard, pas trop évident, pas trop obscur non plus. Je ne sais si je commence mon Modiano par le bon bout mais peu importe.

Jean est un documentariste en déshérence, qui organise sa disparition momentanée sous le prétexte d un voyage de travail à Rio. Échouant à Milan, il apprend le suicide d'une certaine Ingrid, qu'il a connue autrefois. Revenu à Paris, Jean, caché dans des hôtels, tente de retracer la vie de cette femme et de son mari, Rigaud, sous l'Occupation.

Même pour un néophyte de l'univers-Modiano, Voyages de noces fait toucher du doigt le style de l auteur, tel qu'on le synthétise à longueur d'articles: période de l'Occupation, déambulations parisiennes au gré des souvenirs, imbrications du passé et du présent...
et premices romanesques d'une Dora Bruder que je finirai sans doute par lire.

Dès le titre, le récit souligne les corps déplacés (le narrateur et son échappée à Milan puis ses hôtels parisiens, les fuites successives d'Ingrid), hors de l'eau, décalés de leurs vies normales, jusqu'au point aveugle et tragique du père d'Ingrid déporté.
Le narrateur cherche à débusquer un trajet de vie qui pourtant lui file entre les doigts, avec des zones d ombres qui ne pourront jamais être mises en lumière, des gouffres jamais comblés, alors que lui-même tente de procéder méthodiquement à son propre effacement, même temporaire. Dans ces fragments de vie sauvés de l'oubli, les coups de plume impressionnistes se teintent de melancolie.

De ce premier essai me reste un charme fragile mais tenace, précieux, donnant l'envie de revenir se lover dans ce sillon que l'auteur semble creuser indéfiniment, afin d'en goûter toute la cohérence.
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