AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de vibrelivre


La longue route
Bernard Moitessier (1925-1994)
préface de Gérard Janichon
Arthaud, récit (autobiographique), 374 p, 1971


C'est le portrait d'un navigateur solitaire, amant de la mer, et détestateur du monde moderne, qui va vite, prône l'argent, ne respecte pas la nature. Même s'il se soucie de sa femme, de ses enfants, dont il sait que sans eux, il n'est rien, et à qui il veut donner de ses nouvelles pour les rassurer, et quelquefois les risques sont grands quand il jette le jerrycan contenant lettres, photos et journal de bord sur le pont d'une vedette, et de ses amis surtout, de qui il ne sait rien tout le temps de la course, l'appel de la quiétude est le plus fort, il lui faut se reposer en lieu aimé, en compagnie d'amis éprouvés. L'amitié occupe une très grande place en son coeur.
Parti de Plymouth en 68 pour faire pour la première fois le tour du monde en passant par les trois caps, Bonne-Espérance Afrique du Sud), Leeuwin (Australie), Horn (Amérique du Sud), il sent qu'il ne doit pas revenir en Europe, et ce bien qu'il soit vainqueur et puisse donc empocher le prix de la victoire. C'est un homme libre qui écoute sa voix intérieure, même si elle est confuse. Il lui faut aller en tel endroit, même s'il ne sait pas pourquoi. Tandis que la terre se dégrade, lui est bien, seul, sur son bateau. Plus que du miracle de sa liberté, c'est du chant du monde dont il jouit. le Temps a pris une autre dimension. Il n'a plus conscience de sa durée.
Nous faisons le tour du monde avec lui, à bord de son Joshua, son bateau, son ami, sa raison de vivre. Il l'écoute et le regarde, il a la science des voiles, et sait user des trinquettes et des ris ; il aime le bout-dehors ; il écoute la mer et les étoiles, il écoute le vent. Bernard Moitessier sait naviguer, et ne panique pas en cas de coup dur, s'appuie sur son expérience. Il lit les cartes, fait des points, étudie les lettres des cap-horniers. Passer du Pacifique à l'Atlantique n'est pas aisé. du côté de la Tasmanie, c'est piégeux, et l'océan Indien n'est pas simple. Pendant une tempête, il est capable de dormir quand les vagues se creusent. Il se protège des requins quand il nage. Il peut agripper une corde pour remonter facilement et rapidement sur le bateau, ou nage près de celui-ci à un endroit où il lui est aisé de remonter. Il apprivoise les oiseaux, il est heureux de la compagnie des dauphins. Il lit : Steinbeck, Saint-Exupéry, Jean Dorst, Avant que nature meure, Gary. « Ceux qui ont écrit ces livres ne s'exprimaient pas seulement avec des mots et des idées, mais avec des vibrations. Et ces vibrations vont bien au-delà de nos pauvres petits mots inventés par les hommes. ». Il répare ce qui est endommagé. Il collecte l'eau de pluie, il mange plus ou moins bien selon le temps, sa forme physique, et pour la garder, s'oblige à faire des exercices. Il fait attention à sa peau, qu'il garde saine bien qu'il se savonne peu. Il prend le soleil, allongé nu sur le pont, il a parfois très froid quand l'eau traverse ses bottes ou que ses doigts sont brûlés à travers ses moufles.
Pour aller plus vite et soulager Joshua, il allège son bateau, et jette à l'eau cordes, nourriture, et même le pétrole, dont il se sert pour sa lampe. Ce geste est-il bon pour les mers ?
Grâce à ses pensées, nous apprenons à le connaître ; il a passé son enfance en Indochine, mais il a oublié la langue de là-bas, a transporté du riz et des crevettes séchées, fait un peu de trafic d'armes si l'on en croit les soupçons de la police ; ces voyages en jonque, sans aucun appareil pour connaître sa position, ont décidé de sa vie entière ; pendant ses croisières-école de Méditerranée, il n'utilisait pas le compas pour participer à l'univers réel, visible ou invisible, où se meut un voilier. L'un de ses frères s'est suicidé, sa mère a une vie intérieure très riche. Il a mangé mouettes et cormorans. Il a déjà fait un grand voyage Tahiti-Alicante avec Françoise sa compagne. Les conditions climatiques étaient différentes.Il prend beaucoup de photos pour montrer la beauté de la mer, des baleines, de la lumière dans le vent, de son amie la lune.
Partir pour une si longue route demande beaucoup de préparation. le bateau doit être dans un excellent état. Il faut faire des choix : que prendre, que laisser ? Il est besoin de voiles de rechange, et de plusieurs girouettes. Il ne faut pas trop charger le bateau. Il faut équilibrer les charges.
le livre se lit très bien, même si on ne connaît rien à la voile. le récit est accompagné de photos et de dessins de l'auteur. La route est à la fois maritime et intérieure. On découvre une vie inconnue, exigente, à la fois d'action très physique et de contemplation où l'on peut s'oublier. La mer hypnotise. La solitude peut se faire sentir, et la fatigue mener au délire. Les jours ne sont jamais monotones, ce qui donne à la vie en mer cette dimension particulière. le navigateur éprouve la paix et la joie de vivre en harmonie avec l'univers.
L'auteur verse ses droits d'auteur au Pape pour qu'il entreprenne des actions bénéfiques à l'humanité.
C'est un homme vraiment extraordinaire.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}