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Critique de sandrine57


Je viens de terminer Mistral perdu en larmes. Un petit livre qui ne paie pas de mine, pas très épais, que j'ai acheté après avoir lu une critique de Ptitgateau que je remercie au passage, mais une véritable claque littéraire. Une écriture forte et poétique, bouleversante aussi pour raconter deux soeurs fusionnelles qui ont tout partagé jusqu'à ce que la mort les sépare…
Je n'ai pas perdu ma soeur, je n'ai jamais eu de soeur d'ailleurs mais ce livre parle de moi quand même. J'ai vu défiler mon enfance dans un village de l'Est de la France, dans les années 70. Je me suis souvenue des départs en vacances vers la Costa Brava, dans la R5 familiale, ma mère au volant, moi sur la banquette arrière devenue lit improvisé. Pas de ceinture de sécurité et sous mes couvertures les bouteilles d'alcool et les cartouches de cigarettes achetées illégalement au Perthus. J'ai revu mes copains d'école, les cabanes dans les champs, les pattes d'eph, les boums, les 45 tours, l'insouciance de l'enfance. Comme dans le livre, je suis née dans une famille de gauche où l'on a fêté le 10 mai 81 comme si la victoire de François Mitterrand était la nôtre et comme les deux soeurs j'ai aimé passionnément le chanteur aux cheveux jaunes qui chantaient la banlieue en même temps que sa haine des bourgeois et de la société. Sur une page, quelques mots évoquent Slimane, le héros d'une de ses chansons. Encore une claque ! J'avais oublié Deuxième génération que je chantais à tue-tête adolescente ! Un petit tour sur Youtube et les paroles me sont revenues naturellement aux lèvres. Comment ai-je pu oublier mon hymne de l'époque ? C'est le temps qui passe et qui fait des trous dans notre mémoire. Et pourtant que d'évènements inoubliables je viens de revivre : les manifs contre la loi Devaquet, la mort de Malik Oussékine, la mode des jeans neige et des sweats chauve-souris, la main de Touche pas à mon pote, les baladeurs, etc.
Après nos grands-parents qui avaient combattu les Allemands, nos parents qui ont trouvé la plage sous les pavés, ma génération a été en mal de causes à défendre, on nous a appelés la bof génération. Et pourtant…Les années 80 n'étaient pas que les années fric, il y avait des convictions, des rêves, des espoirs.
Au rythme des élections, des victoires, de la cohabitation, de la dissolution, du terrible 21 avril, Isabelle Monnin m'a fait revivre ce temps où la politique me passionnait, où j'étais de gauche et j'aimais les hommes et les femmes de gauche. J'ai pris un vrai coup de jeune en lisant ces lignes. J'ai appelé Soraya, ma copine de toujours, la soeur que je n'ai pas eue. Celle qui a partagé mes rires, mes chagrins, les boums, les bals de village, les secrets, les délires, qui a chanté Renaud, Cabrel, Goldman avec moi.
J'ai grandi, j'ai eu des amours, une fille. le monde a changé. Les politiques aussi. Sarkozy et son karcher, et sa victoire fêtée au Fouquet's. L'espoir incarné par Hollande. La désillusion. Et en vrac, les attentats du 11 septembre, Charlie Hebdo, le Bataclan. La victoire du néo-monarque.
J'ai pris un coup de vieux aussi. Parce que j'ai plus de 50 piges, parce qu'être de gauche ça ne veut plus rien dire, que l'antiracisme de ma jeunesse est désormais qualifié d'angélisme, que les le Pen se reproduisent comme du chiendent, que Renaud embrasse des flics et soutient Macron, que je ne me reconnais pas dans les combats d'aujourd'hui, que je ne sais pas quel bulletin mettre dans l'urne dans quelques semaines, parce que la nostalgie c'est pour les vieux cons et que je suis, de fait, une vieille conne, parce que tout fout le camp ma p'tite dame…
Alors j'ai pleuré sur les mistrals perdus, sur les évènements qui traversent ou bouleversent une vie, sur cette soeur disparue qui n'est pas la mienne mais qu'Isabelle Monnin a su me faire aimer.
Encore merci à Ptitgateau qui m'a fait connaître ce livre. Merci à Soraya d'avoir été là et d'être là encore, depuis les bancs de la maternelle. Merci à Isabelle Monnin d'être elles, elle et nous.
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