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Critique de cousin66


Devenir chemin, sixième recueil d'Emeric de Monteynard publié chez l'Arbre à paroles en octobre-novembre 2020, m'apparaît comme le point culminant de son oeuvre poétique. Approfondissant ses thèmes et son langage, « Convaincu // Que la page / Peut, un jour, être propice // Aux miracles », il « creuse dans sa veine » et s'élève toujours plus haut, à mon sens, vers le firmament des grands poètes contemporains.

Il se tient prêt pour « de nouveaux départs », ouvert à de nouvelles expériences rencontres et aventures, dans sa soif de connaissance de lui-même, des autres et du monde. En accord avec la philosophie d'Héraclite, Il embrasse à la fois la vie, l'amour, la mort, le temps, le visible et l'invisible, les commencements et les fins, affrontant les difficultés et l'inconnu avec la certitude que « c'est toujours / Vers plus // de lumière // Jamais / Vers la mort // Jamais ».

C'est un chemin qui engage le poète « Et mobilise / Une envie et / Toutes ses passions ». Sa façon d'aller à l'essentiel, son courage, sa foi et sa persévérance forcent l'admiration.

Alliant sensualité et spiritualité, mysticisme, sa poésie trouble et bouleverse corps et âme. «On reconnaît un seuil // À la chair / Qui embarque // Et / Dès lors // Nous / Élève. » Il s'agit rien de moins que de « Toucher le ciel », « Toucher aux étoiles ». « Car aimer // C'est désirer / Plus que le ciel // C'est croire / Encore au corps – // Même en panne ou au repos // Plus fort // Et plus encore qu'à cette âme ».

La beauté et l'élégance des textes d'Emeric de Monteynard vient aussi bien sûr de son style personnel qu'il définit et résume très bien lui-même selon un art poétique solide et éprouvé de recueil en recueil : il privilégie les vers courts où abondent les verbes (souvent à l'infinitif ou à l'impératif), la « verticalité » symbolisant l'homme debout (ou donnant ici l'impression de marcher pas à pas), l'approche « par clartés successives », les questions plutôt que les réponses, la précision et l'agencement des mots, tout ce qui leur donne poids et résonance...[1]

Comme pour ses ouvrages précédents, Emeric de Monteynard aime collaborer avec un artiste pour proposer en frontispice une oeuvre originale, ici une estampe de Josef Ciesla, représentant une silhouette présente absente dans un clair-obscur vaporeux. (Dédicace secrète, comme dans la première épigraphe d'Hafez). En plus des quatre citations ouvrant et fermant comme des portes le recueil, les dédicaces et hommages personnels explicites ou implicites[2] à des écrivains, artistes, amis, êtres chers vivants ou morts (parfois métaphorisés par un arbre, une étoile, un fleuve, une pierre…) jalonnent ce chemin. Emeric de Monteynard veut ainsi témoigner, « donner à entendre » ou bien écouter leur voix et s'en souvenir. Écrire, ou « Marcher […] C'est / Rencontrer / Des traces – de celles de // Ceux / Qui sont passés. »

Tirant parti des failles, des fêlures, (« Prends soin / de ces maux /Et de leurs accrocs »), de « l'incendie du soleil / qui se brise » et de la « lumière éboulée », « Qui invite – /// Un jour à l'extase / Un jour // Au désastre », Emeric de Monteynard apporte rêve, beauté, tendresse, espérance, force de douceur, tout ce dont le monde a tant besoin aujourd'hui.

Les poèmes d'Emeric de Monteynard ouvrent à la méditation, au silence, « à l'infini des chemins » (Aux arbres penchés). C'est une façon d'« entrer en amour[3] » « Et risquer // À chaque instant // D'être / Ébloui. »

Pour moi, lire et relire Devenir chemin, comme les autres recueils – c'est aussi me perdre dans les palimpsestes, les méandres des mots[4] et les miroitements de sens. Me sentant submergée par une vague d'émotion impressionnante, façon Hokusai, je n'ai fait ici qu'esquisser quelques traits.


(Nathalie Cousin, décembre 2020- 2 janvier 2021)

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Notes :
[1] Voir le live streaming « 4 nouveautés à l'Arbre à paroles : Rio di Maria, Francesco Pittau, Claude Miseur et Emeric de Monteynard ». Enregistré en direct, L'Arbre à paroles - Maison de la poésie d'Amay. [Date de l'enregistrement en direct : 4 novembre 2020]. https://www.facebook.com/watch/live/?v=384890139303448&ref=watch_permalink

[2] Par exemple les poèmes « Suppose qu'un ange » et « Suppose que le jour et la nuit », où je vois un clin d'oeil à Guillevic (Bergeries).

[3] Ou en amitié, si l'on préfère se référer à Marcel Proust : « La lecture est une amitié. » (Sur la lecture).

[4] Ainsi du mot « chemin » présent dans tous les recueils.

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