Taches rousses

Je me tourne vers Ash, et regarde son visage usé d'avoir été trop porté. Ce visage d'occasion, ayant l'air d'avoir été utilisé par d'autres avant lui (...). un visage vintage, Antique même. Une gueule qu'on trouverait sur eBay dans la catégorie seconde main

Deux personnages, jouant à être d'autres personnages, pour plaire à des personnages qu'ils ne connaissent même pas, et qu'ils n'apprécieraient certainement pas. En vérité, nous ne sommes pas si tristes qu'on pourrait le penser. Nous avons simplement tous les deux saisi, qu'être soi-même est un jeu bien trop risqué et beaucoup trop compliqué.
Lorsqu'on est soi-même, honnête, cartes sur table, il y a tellement plus à perdre. Les cartes que je pose sur la table ne sont pas celles de mon jeu personnel, alors si je fais banqueroute, il me suffira d'ouvrir un nouveau paquet. J'en ai plein les poches.

p.261.
Est-ce qu'elles tiendront de leur père ? Cette question, je me la pose pas moins de cinq fois par jour. La cruauté est-elle génétique ? Le goût pour la douleur doit l'être, en tout cas. Il n'y a qu'à voir le dos de leurs mains, leurs pieds, leurs bras. Elles jouent à se brûler, comme d'autres jouent aux Barbie. Elles pensent que j'ignore ce qu'elles trafiquent, mais je les ai surprises plus d'une fois, à allumer des briquets sur leurs coudes, ou à plonger leurs orteils dans des bassines d'eau bouillante. Et je n'ai rien fait. Je n'ai rien dit. J'ai fermé la porte, et suis allée fumer et boire mon chagrin, jusqu'à devoir l'éparpiller plus tard sur la cuvette des toilettes.
Je ne vaux pas mieux que Gene. Ces gamines furent damnées, avant d'ouvrir les yeux.

p.205.
C'est grâce à eux, que j'ai compris. La justice, c'est du blabla. Ça n'existe pas. C'est une invention de grandes personnes. En tout cas, ça ne marche pas au mérite. La norme, c'est l'injustice. Et quand quelque chose est juste, c'est un coup de chance. Juste, pas juste, au fond ça ne veut rien dire. On est tous un numéro de loto. La vie est mauvaise, elle se moque bien de qui on est. Elle tire au sort. Elle s'en fiche. Si Beck et moi vivons la vie que nous vivons, avec le père que nous avons, c'est parce qu'il fallait bien que quelqu'un la vive. Il ne peut pas y avoir que des enfants heureux. Et les malheureux, c'est nous. C'est comme ça. C'est tout.

p.84.
Il n'y a rien de plus désagréable que la vulnérabilité. Chez soi. Chez les autres.

Et ses yeux rentrés profondément dans sa peau ne me veulent rien de bien. Ils sont un canoon d'AK-47 en lévitation, prêt à décharger dans ma direction. Leur opacité me rappelle celle des yeux de mon père