Excuse-moi, se reprit-elle. Le travail m'épuise. Les enfants sont de plus en plus turbulents. Et les parents sont impossibles. On dirait qu'ils se sentent tous obligés de venir me parler du régime spécial de leur gosse. Ils m'ont bien fait comprendre qu'ils n'hésiteraient pas à nous coller un procès, à l'école et à moi, si leurs petites merveilles s'approchaient, ne serait-ce que d'une cacahuète ou d'un grain de sucre. On dirait qu'ils ont été élevés en laboratoire. Il y en a toujours un qui a une allergie à ci, une intolérance à ça. Essayez un peu d'empêcher ces gamins de se refiler des bonbecs bourrés de chocolat, de noix ou de noisettes à quelques jours de Halloween. C'est à devenir dingue.
-Ce ne sont pas les enfants qui ont changé, Odette, c'est toi. Tu vieillis, glissa Barbara Jean.
-Merci, c'est sympa, les filles. Quel plaisir de venir déjeuner le dimanche et d'apprendre que je ne suis qu'une vieille pie ronflante. Dieu seul sait pourquoi je continue à traîner avec vous, bande de sorcières.
-C’est Clarice qui sera contente quand je serai chauve ! elle me tannait déjà en quatrième pour que je cache ma tignasse sous une perruque.
Clarice savait qu’Odette ne pensait pas à mal en parlant ainsi. Son amie lui aurait volontiers dit la même chose en face avec un large sourire. Mais cette certitude ne lui fut d’aucun réconfort sur le moment. Elle n’eut qu’une envie, se précipiter à l’intérieur et crier à Odette qu’elle l’aimait comme elle était – que ses cheveux soient beaux, moches, ou absents.
-Ce ne sont pas les enfants qui ont changé, Odette, c’est toi. Tu vieillis, glissa Barbara Jean.
-Merci, c’est sympa, les filles. Quel plaisir de venir déjeuner le dimanche et d’apprendre que je ne suis qu’une vieille pie ronflante. Dieu seul sait pourquoi je continue à traîner avec vous, bande de sorcières.
Clarice éclata de rire et riposta « C’est parce qu’on est les seules à ne pas avoir peur de toi et à oser te dire en face que tu es vieille et que tu ronfles. Mais ne t’inquiète pas, on en est toutes là.
Quand son esprit était assailli de pensées - en général au sujet du passé, de sa mère ou de son fils - elle attrapait soit la bible, soit la bouteille, mais finissait avec les deux sur les genoux avant que la nuit ne s'achève.
Cela faisait presque quarante ans - depuis le temps où l'on avait commencé à les surnommer "les Suprêmes" - que Clarice et ses amies se retrouvaient Chez Earl à cette même table devant la baie vitrée. A l'époque, Little Earl avait un béguin monstre pour chacune d'entre elles, et il avait tout fait pour les séduire en leur offrant des Coca et du poulet frit à volonté.
Je me réveillai en nage ce matin-là.
On appelle miracle ce qui est censé se produire tout simplement. Soit on suit le mouvement, soit on lui barre la route. (Odette, qui rejoint la position de sa mère)
Ce que James a sans aucun doute réussi à démontrer, c'est que les gens se ruent en masse à une fête, même chez une enquiquineuse, tant qu'elle cuisine bien.
J'ouvrais la porte du réfrigérateur pour prendre la carafe d'eau et entrepris d'y fourrer la tête. J'y étais enfoncée quasiment jusqu'aux épaules, savourant la température glaciale, lorsque je fus prise d'un fou rire...
Clarice ne ferait jamais la moindre réflexion à Barbara Jean sur ses habitudes vestimentaires, et nous le savions toutes les deux. De la même manière, Clarice et Barbara Jean ne me diraient jamais en face que j'étais grosse, et nous ne rappellerions jamais à Clarice que son mari se tapait tout ce qui bougeait. Entre Suprêmes, nous nous traitions avec beaucoup de délicatesse. Nous fermions les yeux sur les défauts des autres et faisions preuve de prévenance, même quand cela n'était pas mérité.