Tokyo intramuros

Je somnolais quand un léger déclic me ramena à la réalité : la porte de ma chambre s'entrouvrait lentement et une silhouette se glissait à l'intérieur. Je sus aussitôt que c'était elle.
Je me redressai et restai sans bouger, assis dans mon lit sans la quitter des yeux. Elle ne me regardait même pas. La lumière lunaire jouait sur son visage, le rendant encore plus laiteux et irréel.
Elle fit glisser sa robe et, nue, s'agenouilla en face de moi, au bord du futon. Elle avait tout d'un songe ainsi, lisse et pâle, silhouette à peine décalquée sur le papier des shoji. Elle dénoua sa longue chevelure noire puis, la lune soulignant à peine la courbe de ses seins, les traits de son visage cachés par la pénombre, elle se mit à chanter.
Je n'avais jamais entendu de voix comme celle-là.
Je n'ai jamais su les mots de son chant, elle ne me l'a jamais dit et je ne lui ai pas demandé. C'était un concentré de souffrance et de solitude extrême, un désespoir qui me prit aussitôt à la gorge. Sa voix flottait dans la chambre, monocorde et étrangère à tout ce que je connaissais. Inhumaine. Semblant provenir d'un dieu en colère bien plus que d'une gorge de femme.