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Critique de kielosa



Édouard Moradpour dispose d'un grand nombre d'atouts pour s'attaquer aux plaies de la Russie, pourtant son opinion de Vladimir Vladimirovitch Poutine ne m'a guère convaincu. Je trouve qu'il se montre envers le maître actuel du Kremlin bien trop indulgent. Bien qu'il en sût évidemment beaucoup plus sur ce pays, où il a vécu pendant 2 décennies, que moi, simple lecteur, qui n'y ait jamais vecu et n'en éprouve aucune envie.

Cependant les faits sont là : Poutine est arrivé au pouvoir en 1999 grâce essentiellement à l'aide d'oligarques plus ou moins mafieux (tel Boris Berezovsky qui lui a mis le pied à l'étrier avant d'être retrouvé pendu en Angleterre, il y a 5 ans) et une guerre en Tchétchénie. Il s'y maintient avec l'appui de ces richissimes "hommes d'affaires" qu'il laisse gentiment ramasser des fortunes colossales dont l'origine n'est le plus souvent pas très orthodoxe - pour employer un euphémisme - à condition qu'ils ne contestent pas ses vues, comme Mikhaïl Khodorkovski, un Juif trop intelligent et dangereux à son goût et qu'il a fait jeter en taule pendant plus de 10 ans (de 2003 à 2013). D'ailleurs, n'a-t-il pas démarré son ascension en concluant un "gentleman's deal" avec son prédécesseur qu'il n'allait jamais poursuivre l'auguste famille Eltsine pour détournement de fonds à grande échelle ? Un accord particulièrement rentable, car entretemps il est devenu, selon maints experts, l'homme le plus riche du globe.

Il est vrai que nombre de Russes, depuis Ivan le Terrible au XVIe siècle en passant par le tsar rouge Staline, préconise un "homme fort" à la tête de leur pays, plutôt qu'un prêcheur de glasnost et perestroïka comme Mikhaïl Gorbatchev. Il est également vrai que Poutine a assuré une période de paix et stabilité du moins à l'intérieur des frontières de la Russie. Ce qui n'est, hélas, pas le cas à l'extérieur de ces frontières. Son grand rêve de restaurer le territoire de l'URSS a engendré des conflits à toutes les frontières de son État, à la seule exception de la Biélorussie où gouverne depuis belle lurette un autre "démocrate". C'est surtout l'Ukraine qui en a été et continue à en être dupe - souvenez vous de la Crimée et de Donetsk - quoi que les 3 États baltes et même la Finlande ne sont pas trop rassurés par les ambitions territoriales de ce Poutine. Et grâce à une presse rigoureusement sous contrôle des autorités, ces conflits ne semblent qu'augmenter sa popularité auprès de la majorité de ses ressortissants ! La méfiance que beaucoup de ses compatriotes ressentent envers les Tchétchènes, Géorgiens et autres peuples du Caucase ne font que stimuler sa popularité - un peu comparable à l'extrême droite envers les Arabes chez nous. Entretemps, la plupart de ceux qui n'appartiennent pas à la nomenklatura moderne continuent à avoir des fins de mois difficiles en dépit des richesses naturelles pétrolières et autres de leur pays. Finalement, il y a chez les Russes le système traditionnel du "blat" - un système d'accords et d'échanges informels (du genre : vous me coupez les cheveux et je vous offre un ticket du match de foot entre X et Y dimanche prochain) - qui fait que les Moscovites et autres ont une conception toute différente de ce qui s'appelle chez nous corruption.

Le nombre d'ouvrages sérieux qui attestent les différents aspects de ce que je me permets d'avancer est pléthorique. Contrairement à mon habitude de lister ces livres, j'ai préféré ne pas ennuyer mes ami(e)s avec une longue énumération. À celles et ceux qui seraient intéressés, je suis bien sûr tout à fait disposé à leur fournir une telle liste de livres sur simple demande. Plusieurs de ces ouvrages ont par ailleurs fait l'objet de mes billets sur notre site. Je ne peux m'empêcher d'en mentionner quand même 3 : de Karen Dawisha son ouvrage révélateur sur l'imbroglio financier de l'ex-chef du KGB et la fine équipe de ses amis, comme le boy-scout et châtelain Medvedev, "Putin's Kleptocracy" ; d'Anton Shekhovtsov "Tango Noir" relatif aux relations privilégiées entre le Kremlin et l'extrême droite européenne et de Nadine Marie-Schwartzenberg "La Russie du crime", dont le titre ne nécessite aucune explication.

Édouard Moradpour est né de mère russe et de père français à Téhéran en 1947. Diplômé du HEC (École des Hautes Études Commerciales) à Paris, il travaille pour des agences publicitaires avant de fonder la sienne. En 1989, il s'installe à Moscou, où il devient "Mister Reklama". En 2013, il retourne à Paris et se met à écrire. D'abord une sorte d'autobiographie romancée "La compagne de Russie" et un roman "Le Mausolée ".

Je ne suis peut-être pas un exemple d'objectivité en ce qui concerne Poutine, mais invoquer la fameuse "âme slave" en parlant de ce tchékiste (nom donné aux membres de la police politique) me semble franchement pousser un peu loin le bouchon. Jusqu'à nouvel ordre notre Vladimir n'a rien d'un Dostoïevski, Pouchkine, Tolstoï ou Tchekhov.

Liquider de temps en temps un opposant, comme la pauvre journaliste Anna Politkovskaïa pour n'en citer qu'une, je m'excuse, mais cela n'a rien de Slave ! Pas plus que le travail des hackers à son service pour fausser des élections démocratiques à l'étranger ! Et s'il défend inconditionnellement Bachar el-Assad ce n'est certainement pas pour les beaux yeux de celui-ci ni par pure "bonté slave", quoiqu'il me faille admettre ne pas saisir exactement ce qu'il a en tête. Pourtant cela ne m'étonnerait pas qu'il s'agisse tout bêtement d'un projet territorial, le port syrien de Lattaquié et donc un accès direct à la Méditerranée par exemple.

Pour moi, tout cela relève plutôt de la "Realpolitik" à la Bismarck que de l'âme slave ! Est-ce que je serais devenu trop romantique à mon âge ?
En tout cas, je m'excuse auprès d'Édouard Moradpour ainsi qu'auprès des lectrices et lecteurs pour avoir réagi un tantinet émotif, mais il y a trop longtemps que j'ai la politique de ce sinistre chef d'État sur le coeur !
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