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Critique de Ambages


« Je suis venu te raconter quelques nuits avec des dames.
- Des nuits d'amour ? demandai-je.
Avec colère, Pierre se mit à rire. »

Paru en 1922, ce recueil de nouvelles bénéficie de deux préfaces de l'auteur. La première fut écrite en 1921 et est présentée sous forme d'un dialogue entre l'auteur et Pierre, le narrateur des « quelques nuits avec des dames » qui constituent le recueil. La seconde préface de Morand est écrite en 1957 et ne ressemble en rien à la première. On entre dans le dur puisqu'il reprend en quelques mots son histoire personnelle « aujourd'hui des gens qui me veulent du bien me disent : ''c'est le moment de se taire'' », mais surtout il défend le genre littéraire que constitue la nouvelle : « on peut tout mettre dans une nouvelle, même le désespoir le plus profond (...) mais pas la philosophie du désespoir » parce qu'il « n'y a pas de quoi se nourrir dans la nouvelle, c'est un os. »  Elle « opère à chaud, le roman, à froid. »

Il estime que la nouvelle est un « bouillon concentré, d'une saveur incomparable, cet art de dessein formé qui sait où il va et, sans se ménager jamais, mène le lecteur battant. » J'étais ravie de lire ses pensées car il mettait des mots sur une partie de mon ressenti lors de la lecture de nouvelles, une forme que j'affectionne tout particulièrement.

Ce recueil, publié alors que Paul Morand à 34 ans (suivi de « Fermé la nuit » paru un an plus tard), est composé de huit ''nuits'' (catalane, turque, écossaise, romaine, des Six-Jours, hongroise, dalmate et nordique) qui utilisent le prétexte de huit rencontres féminines pour parler de l'Europe du début du 20ème siècle, de ses moeurs et du monde cosmopolite (par choix ou par obligation). Toutes les chutes sont intéressantes, certaines drôles (« Je la pris dans mes bras. Elle y demeura tout le reste de la nuit, c'est-à-dire dix minutes à peine, car le soleil, après une rapide ablution s'empressait déjà » -je laisse deviner la nouvelle afférente-) mais d'autres sont terribles, dures ou émouvantes, voire cinglantes. Je parle des chutes car c'est souvent le meilleur dans la nouvelle, mais tous ces adjectifs peuvent s'appliquer aux corps des huit textes qui nous font traverser l'Europe, après la première guerre mondiale, après la révolution de 17, croisant ainsi des personnages haut en couleur : une camarade espagnole luttant pour la cause, des regroupements de nobles russes devenus serveurs dans un hôtel turc ou encore des cyclistes courant six jours durant ...et bien d'autres encore dont je ne parlerai pas afin de laisser la surprise. La plume est riche, j'aime lire cet auteur (même s'il m'arrive de trier -parfois-) reconnu dans l'art de la nouvelle, et pour qui La Femme abandonnée, La Fille aux yeux d'or ou La Fanfarlo sont des « modèles parfaits » de longues nouvelles. Encore de belles lectures à découvrir !
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