Allait-il devenir comme un de ces flics qu’il avait vus partir à la retraite, pour se suicider un mois plus tard ? Il comprit alors que s’il ne prenait pas les choses en main, il risquait de ne jamais retrouver une vie normale, une vie en dehors du boulot
Depuis que son mariage avait sombré, il ne connaissait le bonheur qu’au milieu d’une enquête, quand il pataugeait dans le sang et le mal à l’état pur.
Il n’était entré dans la police qu’avec l’espoir d’intégrer un jour une brigade criminelle et de résoudre, comme un flic de polar, des affaires épineuses.
Ils échangent quelques mots, puis se taisent. Ils sont maigres, leur dentition est mauvaise, leurs vêtements ont connu des jours meilleurs. Ils me font penser à la chanson de Springsteen, The Ghost of Tom Joad
Comme une blatte, il pourrait sortir indemne des pires catastrophes
Je rêve souvent d’un lieu que je ne connais pas. Je vois une route pleine de trous, qu’aucun véhicule n’emprunte plus depuis longtemps. Il y a des gens sur le côté de cette route. La plupart sont assis à même la terre sèche. Certains sont réunis autour d’un feu. Ils échangent quelques mots, puis se taisent. Ils sont maigres, leur dentition est mauvaise, leurs vêtements ont connu des jours meilleurs. Ils me font penser à la chanson de Springsteen, The Ghost of Tom Joad. La différence, c’est que leur pauvreté n’est pas le résultat de l’exploitation, mais de l’effondrement. La civilisation s’en est allée et ne reviendra plus.
Certaines nuits, je fais partie de ces gens. La faim, la pauvreté et l’absence de soins ont fait de moi un vieillard. Je dors près d’une décharge en attendant de crever. À d’autres occasions, je regarde ces gens depuis un lieu caché. J’ai peur d’eux, parce que je sais qu’ils n’hésiteront pas à me voler ce que j’ai, s’ils me voient. Je suis en forme, plutôt bien nourri. Je possède une arme et des vêtements de bonne qualité. Le soir, je rentrerai chez moi et je dormirai dans un lit. Le plus étonnant, c’est que cette relative richesse ne me rend pas heureux. Car je vis et je survis seul, sans lien avec personne. J’ai échangé la pauvreté matérielle contre la pauvreté relationnelle.
Les survivalistes ne sont pas une secte. Le mouvement vient des États-Unis. Ce sont des gens qui se préparent à l’effondrement économique, façon 2008, mais en pire. D’après un reportage que j’ai vu, ils sont un peu fêlés, mais ils n’ont rien d’un groupe religieux.
Il savait combien il était difficile pour des parents d’imaginer leur enfant disséqué, puis sommairement recousu. Beaucoup voyaient cela comme un outrage à la dignité du défunt. Mais dans le cas d’un homicide comme celui-ci, la violence subie par la victime était si visible que refuser l’autopsie signifiait refuser de savoir ce qui lui était arrivé.
Il avait passé sa vie d’adulte à croire qu’un visage glabre rajeunissait un homme. Depuis quelques mois, les valeurs s’étaient inversées : la barbe, surtout noire et longue, était désormais associée à la jeunesse.
Même les nantis avaient droit à la compassion. Même les politiciens rompus à l’hypocrisie et au mensonge étaient capables de souffrir. L’instant d’après, il ne restait plus que l’horreur et le désespoir.