AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CorinneCo


Dans les vieilles ruelles romaines quand la poussière du soleil n'ose pas épouser les ombres des passants, un parfum de néo-réalisme se distille à chaque pas. C'est un retour en arrière, en noir blanc. Nous pourrions nous croire dans « Le voleur de bicyclette » de Vittorio de Sica ou dans "Bellissima" de Luchino Visconti. Les petites histoires d'Alberto Moravia sont des anecdotes que l'on se raconte autour d'un café près de la Piazza Navona. C'est l'après-guerre. La population ouvrière ou chômeuse de Rome et de ses environs essaie de survivre. Chacun sa méthode, chacun son destin et sa chance. En employant le « je » Moravia aboli la distance avec son sujet ; il raconte « il fatti » sans fioriture, sans démonstration littéraire. Un journal intime du proletariat italien. Ils sont tous pauvres, parfois même misérables, souvent un peu ridicules ou carrément grotesques, presque toujours malchanceux, rattrapés par leur maladresse, leur bêtise ou un destin implacable. Moravia décrit ce peuple de Rome oscillant entre la farce et le tragique, orgueilleux, harassé par le quotidien de la vie. Anciens assassins, voleurs, chômeurs au long cours, petits commerçants, petits ouvriers, employés anonymes, les narrateurs d'Alberto Moravia rêvent d'ailleurs. Même si l'ailleurs n'est qu'avoir de quoi nourrir les siens. Dans ces histoires, l'amitié se délite, les femmes ne sont pas des saintes. Souvent inaccessibles, putes ou harpies, le trait est assez cruel. le portrait des hommes n'est guère plus flatteur. Pourtant, miracle à l'italienne, le sordide ne les habille pas ; une noblesse amère se dégage de l'ensemble. Ce peuple trimant du matin au soir, avide d'amour, de bien-être, de répit, Alberto Moravia ne le juge pas ; il a de la sympathie pour lui, presque de la tendresse. L'environnement, la nature, hostiles, magnifiés, rarement apaisants sont un écrin pour ces tribulations romaines. Tout est laid et tout est beau, comme ces ruelles lépreuses de Venise. Tout est sombre et tout est lumineux comme la lumière dorée sur les murs médiévaux de Bologne.
Ce n'est pas la douceur désespérée de Gorgio Bassani, la belle mécanique humaniste de Primo Lévi, les rêveries philosophiques d'Italo Calvino, la vibrante peinture fantastique, réaliste et métaphysique de Dino Buzzati ; c'est une lucidité parfois un peu cruelle et contemplative de la vie, une ironie mordante et désenchantée sur la nature humaine, tirée vers le haut. Une écriture dépouillée, fluide, combattante et souverainement seule.
Commenter  J’apprécie          309



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}