Cachemire rouge

Le chemin le plus long est celui où l'on marche seul, murmure-t-elle entre ses dents, sous les yeux incrédules de Bolormaa. (p. 74)

Il y a plus de larmes versées sur la terre qu'il n'y a de grains de sable dans le désert.

Le bonheur est un cristal qui se brise au moment de son plus grand éclat.

Elle se couche sur le sol glacé pour contempler l'immensité du ciel constellé. Les étoiles sont si nombreuses et brillantes que l'on y voit presque comme en plein jour. Aucun éclairage parasite ne vient perturber ce décor féérique, pas même les flammes d'un brasier. Le climat est encore trop rigoureux après le coucher du soleil pour passer les soirées autour du feu. Bolormaa n'arrive pas à s'abandonner au fabuleux spectacle : un noeud d'inquiétude lui serre le ventre, l'empêchant d'inspirer à fond l'air vivifiant. Le vent pique ses lèvres au point de les fendiller. Ses oreilles, transformées en glaçons, captent le piétinement des sabots des chevaux dans leur enclos. Son visage, en forme de pleine lune, se voile d'une ombre d'appréhension.

Elle soulève son verre à la lumière pour jauger les reflets d'or du breuvage et, au moment où elle le porte à ses lèvres, elle sent dans son dos la brûlure d'un regard, se retourne et rencontre les yeux perçants d'un inconnu qui la fixe. Elle frissonne de délices en buvant une gorgée. Elle savoure cette sensation agréable et joue l'indifférence tout en sirotant son vin. Elle croise et décroise ses jambes gainées de noir. Les spots avivent l'incandescence de sa silhouette dont cet homme ne peut se détacher.

Mille victoires sur mille ennemis ne valent pas une seule victoire sur soi-même, déclare-telle, galvanisée.

Si tu laisses reposer une eau boueuse, elle s'éclaircira. De même, si tu laisses reposer ton esprit troublé, la chose à faire t'apparaîtra clairement.

Cette « religion des steppes » n’a ni doctrine ni Écritures saintes. Seules comptent l’observance des règles et l’importance d’être en accord avec le monde qui l’entoure. Bolormaa demande aux mânes de venir en aide à sa famille.

Ces centaines de bêtes qu’il faut regrouper avec l’aide des chevaux, puis peigner une par une pour récupérer la laine avant de la nettoyer. Il s’agit de séparer le précieux duvet des poils durs et de toutes les impuretés, avant de l’acheminer vers les centres de production. Il est indispensable d’avoir l’expérience pour immobiliser l’animal et éviter tout risque de blessure. Bolormaa s’en tire parfaitement. Depuis qu’elle est toute petite, elle aime toucher la délicatesse incomparable de ce nuage blanc si léger.

La plus grand gloire n'est pas de jamais tomber, mais de se relever a chaque chute. (p. 162)