Nombreuses sont les oeuvres qui retracent l'enfer des tranchées durant la première guerre mondiale, mais un peu moins celles qui s'intéressent à l'envers du décor : à ceux (et surtout celles) qui restent dans les terres. Ce beau roman graphique est de celles-ci et va nous plonger dans le quotidien d'un petite île bretonne désertée de ses hommes.
C'est sur un ton -à priori- léger et dans un décor idyllique que va se construire le récit de
Maël, seul jeune homme resté sur l'île, nommé facteur intérimaire, et qui va peu à peu s'encanailler sous le coup de sa nouvelle popularité auprès de la gente féminine. Il se trouve ainsi une nouvelle mission en plus de distribuer le courrier : distribuer de l'affection et du plaisir aux quatre coins de l'île.
Une histoire qui, par sa grivoiserie, peut donc sembler futile. Pourtant, ni la frivolité des femmes ni la désinvolture de
Maël ne suffisent pas à masquer le contexte terrible qui entoure sa petite histoire, bien au contraire puisque ce sont même souvent les réactions détachées du jeune facteur face aux abominations du front qui, par contraste, nous renvois de plein fouet à l'horreur des tranchées.
Nous avons là un roman graphique équilibré, qui sous couvert d'une intrigue qui porte à sourire n'en efface pas moins le contexte historique dramatique dans lequel il se situe, avec de-ci de-là des évocations du front par le biais des lettres envoyées par les combattants, et parfois même plus directement comme c'est le cas lorsqu'on retrouve l'instituteur au sein des tranchées.
Message de souffrance double, efficace, qui dénonce l'absurdité de la grande guerre,
Facteur pour femmes a également le privilège d'être soutenu par un dessin lumineux et très agréable et il permet de passer un très bon moment en compagnie de femmes esseulées et d'un facteur charmeur, le tout dans les embruns bretons…