Lacan lui-même reconnaissait qu'une analyse n'a jamais guéri personne. Les bons patients, de toute façon, sont ceux qui ne sont pas trop malades, qui ont de l'argent et un ego important.
Pourtant, dans l'amabilité d'Héloïse, quelque chose l'irrite légèrement : une sorte de placidité face à toutes les situations, une capacité à comprendre tous les points de vue, même ceux qu'on désapprouve.
Leur complicité faisait plaisir à voir, ils étaient très gais ensemble, une gaieté qui ne reposait pas sur les mots, aucun des deux n'étant loquace.
Quelques années plus tard, ils découvrirent le nom du handicap de leur enfant. En surfant sur la Toile pour son travail de documentaliste, Ariane était tombée sur des sites américains, belges, français et québécois, qui décrivaient un mal profond s’apparentant à l’autisme, sans déficience intellectuelle, avec des intérêts restreints mais des capacités parfois remarquables, ainsi qu’une rigidité mentale et physique.
Quand on a annoncé au psychiatre qu’on voulait arrêter la « cure » dit Pierre, il l’a très mal pris.
Pour le docteur, cette volonté de rompre était typique des parents d’enfants psychotiques ! Au beau milieu du gué, les gens abandonnent, ils n’ont pas de courage, ils manquent d’amour pour leur enfant, ils veulent retrouver leur petit confort !
La psychose infantile n’existe qu’en France, fait remarquer Pierre. Mais à ce moment-là, on ne le savait pas encore. La France a quarante ans de retard sur ses voisins.
Il s’allonge sur le dos, jambes pliées. Le ciel tourne autour de lui. Du plat de la main, il caresse le rocher, qui est tiède comme un lit. Moi je suis grand et fort. Mais j’aime pas la violence. Et maintenant que j’ai quinze ans, je suis pour la non-violence…
Il ouvre les yeux, scrute le ciel. J’essaie de leur parler, mais ça ne marche pas. On dirait qu’ils m’entendent pas.
Il voudrait quand même rester dans cette école. Il déteste les changements. Mieux encore, il aimerait revenir en arrière, être de plus en plus petit au lieu de plus en plus grand.