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Critique de SophieLesBasBleus


Quel plaisir de retrouver l'écriture pétillante de Véronique Mougin !
Elle nous emmène, cette fois, au Chandoiseau, tout minuscule village menacé d'un côté par l'extension du supermarché voisin et de l'autre par les vapeurs méphitiques du lac. C'est dans "ce trou de verdure" que vivent la vieille Suzanne qui n'y voit plus guère, Saturnin Fabre, le maire muet, Ari Lemercier, "agent polyvalent d'exploitation", sa femme et ses cinq enfants, Mademoiselle Sophie, l'intransigeante bibliothécaire, Yvonne Zambard, la prof de lettres, Nelson, l'ado rescapé de l'évacuation d'un camp de réfugiés, Paul Le saule, Albert le noyer, La Perchée, la poule, Marguerite, la vache, Charly, le jeune écrivain dont tous les habitants voudraient qu'il reste en herbe, et enfin Jo Picassiette, la mère de ce dernier, l'insoumise, la grondeuse, aussi rugueuse que l'écorce des arbres qu'elle chérit. Dans cette histoire échevelée qui cavale comme la Muse dans ses débordements intempestifs, on croise aussi Géronimo, Vitalie Rimbaud, Caroline Baudelaire, Jeanne et Marcel Proust, des éditeurs, des journalistes, des écrivains, des lecteurices, ainsi que la chevelure incertaine d'un célèbre animateur d'émission littéraire.
C'est en définitive tout un monde que l'auteure bascule sens dessus-dessous, généreusement aidée en cela par Charly qui situe son premier roman au Chandoiseau. Et c'est là que le bât blesse car les Chandoisiens ont bien de la peine à se reconnaître dans un livre où le réel se superpose un peu trop à la fiction! Menaces, intimidations, intervention musclée lors d'une rencontre en librairie, lâcher de taureau dans un salon du livre... rien n'y fait ! Voilà Charly proclamé écrivain et ses compatriotes sommés de rester personnages bien rangés entre les pages de son roman.
Mais celle qui dit non alors qu'elle est toute broyée de l'intérieur par cette trahison, celle qui renâcle, s'exaspère, s'accroche à l'image d'un petit garçon en bottes jaunes, celle dont le corps, l'âme et l'existence se cabrent et se tordent d'un chagrin déguisé sous une colère rémanente, c'est Jo, la maman qui voit son fils se détacher de leur histoire commune. Par fines touches, l'auteure laisse affleurer un immense désarroi derrière les maladresses et les excès du personnage. Cependant ce point de vue sur les relations parents-enfants est enrichi, complété, au fil de l'intrigue si bien qu'il n'apparaît jamais restrictif. En effet les habitants du Chandoiseau ont tous peu ou prou maille à partir avec leur progéniture et réagissent de manière différente. Suzanne, par exemple, sacrifie ses habitudes et son confort pour suivre sa fille alors qu'à l'inverse Yvonne fuit la présence de ses enfants. Dans cette cavalcade tonique et réjouissante, la nature semble être le seul élément stable auquel se raccrocher... jusqu'à ce qu'elle menace de tout balayer !
Un enfant peut-il enserrer sa mère dans son oeuvre ? Peut-il donner ses proches, sa famille, leurs histoires, en pâture aux lecteurs ? Existe-t-il des mots, des phrases, des images, pour raconter sans dénaturer de quoi est fait l'amour d'une mère ? le roman de Véronique Mougin interroge toutes ces thématiques avec un humour frondeur dénué de toute méchanceté. La tendresse indulgente qui enveloppe chaque personnage semble déborder des pages et colorer la lecture. Dans une malicieuse mise en abymes, la fiction romanesque se révèle et sert de révélateur à tout ce qu'elle maintient généralement hors-champ et c'est absolument savoureux !
J'ai dévoré "Un fils à maman", entraînée par le rythme de la narration et par la subtilité de l'écriture qui sonne toujours juste, que ce soit dans la loufoquerie de certaines situations, dans l'évocation du rapport sensuel qu'entretient Jo avec la nature ou dans la langue fleurie des dialogues. Et, la dernière page tournée, mon enchantement perdure et contamine le réel. Puissance de la littérature !
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