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Citations sur Douze contes vagabonds (53)

En réponse, elle lui récita un vers de Vinicius de Moraes : "L'amour est éternel tant qu'il dure."
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Neruda s'endormit à l'instant et se réveilla dix minutes plus tard, comme les enfants, au moment où nous nous y attendions le moins. Il apparut dans le salon, en pleine forme, le monogramme de l'oreiller imprimé sur sa joue.
"J'ai rêvé de cette femme qui rêve", dit il.
Matilde voulut qu'il raconte son rêve.
"J'ai rêvé qu'elle rêvait de moi, dit-il.
- Ca, c'est du Borges", répliquai-je.
Il me regarda, déçu :
"C'est déjà écrit ?
- Si ça ne l'est pas, il l'écrira un jour. Ce sera un de ses labyrinthes."
A six heures du soir, aussitôt monté à bord, Neruda prit congé de nous, s'assit à une table écartée et commença d'écrire des vers limpides, trempant sa plume dans l'encre verte avec laquelle il dessinait des fleurs, des poissons, des oiseaux en guise de dédicaces à ses livres. Au premier coup de sirène, nous cherchâmes Frau Frida et la trouvâmes sur le pont des secondes au moment où nous allions repartir sans lui avoir dit adieu. Elle aussi venait se réveiller de la sieste.
"J'ai rêvé du poète", nous dit elle.
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Appelés d'urgence, les pompiers forcèrent la porte du cinquième étage et trouvèrent l'appartement inondé de lumière jusqu'au plafond. Le canapé et les fauteuils tapissés de peau de léopard flottaient dans le salon à différents hauteurs, parmi les bouteilles du bar, le piano à queue et son châle andalou qui voletait comme une grande raie couleur d'or. Les ustensiles ménagers, dans la plénitude de leur poésie, volaient de leurs propres ailes dans le ciel de la cuisine. Les instruments de la fanfare militaire, que les enfants utilisaient pour danser, flottaient à la dérive parmi les poissons multicolores échappés de l'aquarium, seules créatures vivantes et heureuses dans le vaste marécage éclaboussée de lumière.
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Il était là depuis une bonne heure, songeant toujours à la mort, lorsque survint l'automne. Le lac se hérissa tel un océan pris de fureur, et un vent de désordre épouvanta les mouettes et emporta les dernières feuilles.
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- N'en doutez pas, mon cher ami, ce qui est arrivé de pire à notre pauvre pays c'est de m'avoir eu pour président.
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Je ne le vis qu'une seule fois, au Boccacio, la boîte de nuit à la mode de Barcelone, quelques heures avant son épouvantable mort. Il était persécuté par une bande de jeunes Suédois qui voulaient l'emmener à deux heures du matin finir la soirée à Cadaqués. Ils étaient onze et on avait quelques difficultés à les distinguer les uns des autres, car garçons et filles se ressemblaient tous : superbes, avec des hanches étroites et de longues chevelures dorées. Lui ne devait guère avoir plus de vingt ans. Sous ses boucles d'acier bruni, il avait le teint olivâtre et terne des Caribéens habitués par leurs mamans à marcher à l'ombre, et un regard d'Arabe capable de tourner la tête à n'importe quelle Suédoise et peut-être même à plusieurs Suédois.
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"On apprécie un bon écrivain à ce qu'il déchire plus qu'à ce qu'il publie." Il est vrai que je n'ai déchiré ni mes brouillons ni mes notes, mais j'ai fait pire : je les ai relégués dans l'oubli.
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La vie entière n’aurait pas suffi à Billy Sánchez pour déchiffrer les énigmes de ce monde fondé sur le génie de la radinerie. Il ne comprit jamais le mystère de la lumière de l’escalier qui s’éteignait avant que l’on arrive à l’étage, pas plus qu’il ne découvrit comment la rallumer. Il lui fallu presque toute une matinée pour apprendre que sur chaque palier il y avait une petite pièce avec des cabinets, et il s’était résigné à les utiliser dans les ténèbres lorsqu’il découvrit qu’on pouvait allumer en poussant le verrou de l’intérieur afin que personne n’oublie d’éteindre en sortant. La douche, qui se trouvait à l’autre extrémité du couloir et qu’il s’entêtait à utiliser deux fois par jour comme dans son pays, se payait à part et comptant, et l’eau chaude, contrôlée par la direction, était coupée toutes les trois minutes.


La trace de ton sang dans la neige.
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Son souffle avait la tiédeur de sa voix et sa peau exhalait un parfum léger qui ne pouvait être que celui de la beauté. C'était incroyable : au printemps précédent, j'avais lu un magnifique roman de Yasunari Kawabata sur les vieillards de la bourgeoisie de Kyoto qui payaient des sommes énormes pour passer la nuit à contempler les jeunes filles les plus belles de la ville, nues et droguées, tandis qu'ils agonisaient d'amour dans le même lit. Ile ne devaient ni les éveiller, ni les toucher, ni même songer à le faire, car l'essence même de leur plaisir était de les regarder dormir. Cette nuit-là, en veillant sur le sommeil de ma belle, je fis mieux que comprendre ce raffinement sénile : je le vécus dans sa plénitude.
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Elle arrivait de Naples et avait fait le voyage par le même bateau que les Neruda mais ils ne s'étaient pas vus à bord. Nous l'invitâmes à prendre le café à notre table et je la priai de parler de ses rêves afin d'étonner le poète. Mais celui-ci dédaigna de l'entendre et déclara tout à trac qu'il ne croyait pas aux oracles des rêves.
« Seule la poésie est extralucide », dit-il.
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