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Critique de Kirzy


Temps noirs est la suite autonome du déjà très bon Darktown, encore plus réussi même car cette nouvelle plongée dans l'Atlanta de l'après-guerre est encore plus riche et dense.

1950. On retrouve le trio qui avait mené deux ans auparavant l'enquête sur le meurtre d'une jeune métisse : Lucius Boggs et Tommy Smith, premiers officiers « nègres » comme ils étaient appelés à l'époque, tentent d'arrêter l'approvisionnement en drogue de leur territoire mais la tâche est plus ardue que prévue. Ils reprennent leur alliance avec l'officier blanc Dennis Rakestraw, un homme d'honneur, rare policier d'Atlanta à avoir refusé de se joindre au Ku Klux Klan.

A partir de ce point de départ, la trame se déploie de façon tentaculaire avec de multiples arcs narratifs qui s'enchâssent avec un brio remarquable sur fond d'une évocation méticuleuse et vivante de la ville sudiste d'Atlanta . Les tensions raciales couvent dans cette ville et commencent à exploser dans le quartier blanc de Hanford Park où des familles noires commencent à emménager, victimes d'un harcèlement de plus en plus violent pour les faire fuir. Superbe idée que d'avoir choisi de placer la confrontation racial au coeur de la banlieue, incarnation s'il en est du rêve américain de l'après-guerre. La laideur du racisme n'en est que plus dérangeante.

La galerie de personnages est remplie de flics corrompus, de Klansmen, de néo-nazis, de trafiquants de drogue en pleine guerre des gangs, de banquiers cyniques et d'agents immobiliers sans scrupule. Et pourtant jamais le roman ne verse dans la manichéisme. Les dilemmes moraux sont au coeur du roman : ceux de Rakestraw dont le beau-frère est un Klansman stupide, mouillé dans une affaire de meurtre, il doit choisir entre sa carrière / loyauté à sa fonction et sa famille à protéger ; ceux de Boggs, déchiré entre les valeurs traditionnelles inculquées par son pasteur de père et le grand amour en la personne d'une jeune femme au passé trouble. La richesse psychologique de ces personnages-là et de tous les autres, même les secondaires, apporte énormément au récit, jusqu'à des dernières pages flamboyantes, définitivement grises, vibrantes d'émotions.

Un polar qui a du souffle et fait penser aux grands romans de Dennis Lehane et James Ellroy tant sa capacité à repousser le genre de la fiction policière très loin s'allie à un sens de l'Histoire puissant. Un portrait passionnant d'une ville sudiste en lutte pour concilier ses pulsions violentes avec les impératifs imminents de la déségrégation à venir. Une ville à l'aube.

Coup de coeur !
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