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Critique de Merik


Merik
17 février 2024

Ah, Antonio Munoz Molina ! Il y a entre cet auteur et moi une longue histoire, une très longue histoire, une interminable histoire... de procrastination. Depuis combien de temps je me suis promis de le lire, et surtout « Dans la grande nuit des temps » ? le canyon abyssal que représente ma pal en terme de temps de lecture n'en garde aucune trace sédimentaire. Par contre il y a eu récemment une résolution de début d'année aux vapeurs optimistes sur un fil de Florence, comme quoi il serait bon de mon côté d'ouvrir enfin un livre de l'aficionado du temps, pourquoi pas justement le 29 février de cette année à rallonge quotidienne. C'est chose faite, même si j'ai pas attendu le supplément de temps à notre calendrier pour ouvrir « tes pas dans l'escalier ».
le narrateur quant à lui est un spécialiste de l'attente, et s'est installé dans une bulle temporelle du côté de Lisbonne, en emménageant le futur appartement que Cécilia et lui devraient habiter dès qu'elle sera arrivée. Son présent est ainsi une vie de transition en attendant Cecilia, même s'il paraît osé de parler ici de vie à part peut-être celle d'objets, qu'il dispose à l'identique de leur logement à New-York, et qui réactivent sa mémoire d'un passé américain. Une non-vie plutôt, une existence en léthargie comme une quête de refuge hors du temps en attendant Cecilia avec sa chienne Luria, pour attendre en couple la fin du monde. Les souvenirs new-yorkais assiègent ses pensées, trauma apocalyptique du 11 septembre qui résonne avec l'angoisse généralisée d'un monde perclus de catastrophes et d'incendies notamment, vie amoureuse avec Cécilia et vie professionnelle, la sienne dont il semble soulagé d'en avoir été mis dehors et celle de Cecilia, neuro-scientifique que l'on suivra dans ses travaux laborantins. Il sera ainsi question de mémoire et en particulier celle de la peur, une mémoire qui pourra se faire le réceptacle amnésique de dates voire de l'absolution du temps, tout cela pouvant aboutir au mirage dans la conscience du temps qui passe.
Roman d'une littérature de la nuance, de l'attente, de la mémoire, de l'illusion et d'une sorte de mélancolie angoissée, on pourrait croire qu'il ne s'y passe pas grand chose, si ce n'est justement ce pas grand chose qui peut prendre de la place dans le désert de l'attente. La serrure du nouvel appartement coince comme un symbole et c'est le doute qui s'insinue assez tôt dans l'esprit du lecteur, avant que des aspérités dans la fin du récit ne viennent érafler pour de bon la quiétude lisboète de cette attente polissée.
J'ai bien aimé, mais de là à dire que j'ai été passionné... Ce roman m'en a rappelé d'autres que ma mémoire capricieuse m'empêche de saisir avec précision, des livres aux souvenirs incertains coincés quelque part entre « un homme qui dort » de Pérec, « les gommes » de Robbe-Grillet ou plus récemment « Oh canada » de Russel Banks sur la mémoire. Je pense avoir fait une erreur à vouloir le lire en février, en cette fin d'hiver frissonnant de signes d'un printemps précoce, dérèglement climatique oblige. Mauvais timing, c'est plutôt un livre d'automne à mon avis. J'aurais peut-être dû attendre un peu plus.

(merci en tout cas Florence, je continuerai je pense avec Molina)
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