Tu penses que je ne t'ai jamais aimée, n'est-ce pas ? La vérité, c'est que je n'ai jamais voulu t'aimer. Je ne voulais pas d 'enfant. J'ai d'abord haï mon corps de m'infliger cela , puis moi-même parce que j'étais impuissante.
Car chaque dictature commençait ainsi: ce n'étaient pas les rats qui quittaient le navire près de sombrer , mais les citoyens les plus méritants et les plus intelligents d'un pays courant à sa perte . Les chemises brunes ne voulaient pas d'eux car leur intelligence perturbait le mal dans son oeuvre.
Quel cours aurait pris le destin de l'Europe si Hitler avait été admis à l'Académie des beaux-arts de Vienne ? Une seconde guerre mondiale aurait-elle éclaté ? Aurait-on lancé la première bombe atomique ?
L'expansion du communisme aurait-elle été moins importante, de même que la guerre froide qui en aurait resulté ? L'Allemagne et Berlin auraient-elles été divisées et le mur de Berlin aurait-il -il été construit ?
Les ouvrages de tous les auteurs que l'on trouvait reliés en cuir fin dans la bibliothèque de Gustav, parmi lesquels ceux d'Heinrich Mann et de son frère Thomas, le prix Nobel de littérature, d'Heinrich Heine et de Kurt Tucholsky, périrent dans les flammes.
- " Là où l'on brûle les livres, on brûlera un jour des hommes" dit Gustav à Elisabeth en citant Heine.
Si l'amour est le coeur, le souvenir est l'âme et tous deux sont immortels.
Nous autres êtres humains formons les maillons d'une longue chaîne qui nous relie les uns aux autres, car chacun de nous porte en soi un fragment de l'existence et des pensées de ceux qui l'ont précédé. Si l'amour est le cœur, le souvenir est l'âme et tous deux sont immortels.
Cet amour avait été ardent, poignant, excessif, dévorant, et parfois si destructeur qu'il avait laissé leur coeur en cendres : c'est dans de telles circonstances que l'amour devient souffrance. Mais il est avant tout éternel, il survit à tout et peut, à plusieurs décennies d'intervalle, guérir les blessures et toucher encore les coeurs, comme il a touché le mien.
J'ai dit au début de ce récit que la vérité possède ses propres lois physiques : elle nous rattrape tôt ou tard pour nous accuser. Mais ce n'est qu'un aspect de la vérité, car elle nous libère aussi. Elle peut guérir les blessures et apporter la paix.
Retiens bien ça, chérie : il ne faut jamais s'interposer entre un chasseur et sa proie, de crainte d'en devenir une à son tour.
Au début de chaque relation, on porte des oeillères : on vit l'autre tel qu'on a envie de le voir... jusqu'au jour où on le voit tel qu'il est.