Nils Hazard, Tome 4 : Tête à rap

Toi, on t'écoutera. Trouve les mots pour ceux de ton âge, Tête à rap. Moi, je ne les ai pas. Trouve les mots. (p.201)

Je voudrais que tu dises à ceux qui chantent avec toi : les zonards, les camés, on n'a pas le droit de les laisser tomber. Personne n'est condamné, jamais.
Les chiens des rues ont un maître qui les attend. les enfants perdus, quelque part, ils ont des parents. (p.200)

Quel gâchis ! Être un garçon si beau, si intelligent et devoir dîner d'un rôti de boeuf sanguinolent entre monsieur et madame Roque dont l'unique sujet de préoccupation semble être depuis six mois : est-ce que ce Nils Hazard va, oui ou non, épouser notre fille ? Un jour, je vais hurler : eh bien, non, non ! Laissez-moi finir vieux garçon, maussade, goutteux, avec un chat borgne ! (p.7)

Le lendemain, je passai à la librairie "Gilbert Jeune" et me mis à feuilleter un manuel de lecture qui me rappelait de vagues souvenirs d'enfance. C'est ainsi que j'appris avec intérêt à la leçon 6 que "tata tape le tapis" et avec horreur à la leçon 10 que "Pipo a pris la pipe à papa". (p.90)

- Mais tu arrêtes deux minutes avec ce fauteuil !
J'avais crié si fort que Karim, médusé, me dévisagea. Je me mis à rire.
- Tu vois, j'ai toujours aussi bon caractère.
'- T'es le type le plus super que je connais.
Je me levai et j'allai face à la rue appuyer mon front contre le froid du carreau.
- Non, je ne suis pas plus super que personne. J'ai de bonnes intentions. L'enfer en est pavé. Mais je ne fais jamais les choses qu'à moitié. Il ne faut pas trop me déranger.
Une main attrapa la mienne et la serra.
- C'est pas vrai.

- Qu'est-ce qu'on te sert ? me demanda le barman, flegmatique.
- Un... un scotch.
Le garçon poussa devant moi et me conseilla :
- A ta place, je changerais de fréquentation.
- Je vais y penser... Au fait, avez-vous vu à quoi il ressemblait ?
- Ah ? Tu ne le sais pas. Eh bien, il ressemble à quelqu'un qui te ferait assez vite avaler ton bulletin de naissance. Un grand Noir avec une boucle d'oreille en forme de tête de mort.
J'avalai mon scotch d'un trait. J'avais donc Pue-la-Mort à mes trousses.

Autant je m'étais alarmé sans raison quand j'étais dragué, autant j'eus du mal, cette fois, à me persuader que cette meute derrière moi pouvait me concerner. Combien étaient-ils ? Deux, trois, quatre ? Ils ne cessaient de se rapprocher et je réagis enfin quand l'un d'eux s'élança véritablement vers moi. Je me mis à courir sans un cri, sachant qu'un appel à l'aide ne ferait que me ralentir D'aillerus, je savais où j'allais. Je traversai le rue Vieille-du-Temple et me ruai chez "Le Belle Bretonne". Je n'avais que quelques secondes d'avance sur mon premier poursuivant.
-Cachez-moi, m'écriai-je.
Il n'y eut pas un mot de plus. Deux grands types me poussèrent vers le comptoir. Le garçon ouvrit une petite porte dissimulée par un rideau et je me retrouvai dans une pièce pas beaucoup plus grande qu'un placard et déjà occupée.