Le lendemain, quand je suis rentré, j'ai trouvé un mot sur ma porte. Le voisin d'à côté s'y plaignait du bruit de la nuit passée. Quand je lui ai dit que je n'avais pas été chez moi jusqu'à l'aube, il m'a expliqué qu'il ne comprenait pas. Car, a-t-il dit, quelqu'un avait hurlé régulièrement, comme des cris de rage. Par moments, ça ressemblait à des jappements d'animaux, puis à des chuchotis rauques, comme si quelqu'un parlait dans les murs mêmes de son appartement. Et puis, il y avait eu des collisions, des coups dans le parquet, des meubles renversés, et toujours plus de cris enragés.
Elle s'était attachée à moi et ne voulait plus me laisser partir. Je ne pouvais pas la voir, mais je l'entendais. Une respiration étrange, rauque et éteinte. Je n'ai pas fait attention au début, avec le bruit ambiant de la ville. Mais un soir, dans mon lit, j'ai fini par reconnaître un souffle autre que le mien. J'ai arrêté de respirer, le son a continué. C'était incompréhensible ; ça semblait venir de chaque coin de la pièce. J'ai fini par supposer que la chose devait être sous mon lit...
C'est ce soir-là que je l'ai aperçue pour la première fois. Du coin de l’œil, au travers de la vitre couverte de buée. Ce n'était qu'une silhouette brouillée mais j'ai su que c'était elle. Je savais que nos regards se croisaient à travers le verre. Ne me demande pas comment ; je le savais, c'est tout.