Merci à l'amie palamede… qui , par sa critique très enthousiaste des « Cloches jumelles »…. dernier ouvrage traduit de
Lars Mytting, a attiré, par ricochet mon attention sur cet écrivain norvégien; toutefois, j'ai préféré commander le roman précédent « Les onze arbres de la Somme »…dans lequel je me suis « immergée » aussitôt avec fébrilité !
Je ne m'aventurerai pas à détailler l'histoire de ce roman… Car cette histoire est un très incroyable puzzle, prodigue en suspens ,en rebondissements et en thématiques diverses:
L'amour des arbres, la passion du travail du bois, Les blessures de la Guerre laissées dans les coeur et le corps des hommes, blessures aussi laissées dans la nature (forêts , arbres détruits), des secrets de famille lors de ces période de conflit…se propageant sur les générations suivantes…
Là, il s'agit d'un petit garçon, dont la très jeune vie a été impactée par l'histoire très obscure, complexe de ses parents, une mère française et un père norvégien…dont les parents eux-mêmes ont été abîmés dans leur existence, par la seconde guerre mondiale …
On s'attache d'emblée à ce petit garçon,Edvard, orphelin élevé par le grand-père paternel, agriculteur… Homme aimant et bienveillant mais sur lequel pèse la mystérieuse hostilité des villageois. Ce petit garçon adore son grand-père , le défend envers et contre tout, bien qu'il ne comprenne pas les histoires anciennes des adultes…
Ses parents, morts accidentellement, en 1971, lors d'un voyage en France, en visitant un champ de bataille, ont marché sur une vieille goupille , respirant un gaz toxique, et se noyant asphyxiés …
Pourquoi se trouvaient-ils là ? Pourquoi juste après l'accident, leur petit garçon de 3 ans a –t-il disparu quelques jours, retrouvé loin de l'accident, au Crotoy ? A-t-il été enlevé ? Par qui ? Que s'est-il passé ? Nous allons devoir ronger notre frein, car le suspens est savamment entretenu par l'auteur jusqu'à l'ultime moment…
Ce petit garçon, Edvard, grandit en compagnie de ce grand-père , Sverre, bien singulier à qui il voue une véritable adoration ; Ce dernier, toutefois ne répond guère ou pas du tout à ses questions. Un deuxième personnage, absent lui, aussi singulier, règne en permanence comme un mystère merveilleux : son grand-oncle, Einar, le frère détesté de son grand-père,.Ce frangin, très différent de Sverre, parti de la ferme, des décennies auparavant, doit avoir un sacré contentieux avec lui, mais lequel ? . Il ne reste d'Einar que son atelier de menuiserie, car c'était un extraordinaire ébéniste, étant même parti pour Paris, connaissant le succès en travaillant , entre autres , pour Ruhlmann, le célèbre créateur de mobilier…et le refus catégorique de l'aïeul de prononcer le prénom de son frère.
A la mort du grand-père, Edvard se donne le droit enfin, de commencer à chercher, à enquêter sur son histoire familiale, sur ce grand-oncle, entres autres recherches, Cet Einar l'attirant irrésistiblement, le fascinant ,même !
-« Il y a quelque chose d'Einar en toi. Il était capable de tirer une forme de ce qu'il voyait et de l'utiliser dans un autre contexte. En cela, Einar était complètement différent de Sverre, il interprétait ce qu'il vivait, c'était un méditatif, un rêveur.
(...)Il entama son récit du fils perdu de la ferme, et en parlant d'Einar, j'avais le sentiment qu'il me racontait aussi quelque chose sur moi. Enfin , pas sur moi exactement, mais sur un gars que j'avais souvent rêvé d'être. Si ce n'est que le crayon était remplacé par un appareil photo, l'atelier de menuiserie par une chambre noire. » [p. 63-64 ]
Commenceront des voyages et des déplacements entre la Norvège et la France...pour qu'Edvard puisse enquêter, défricher ce passé tellement opaque ,depuis au moins un demi-siècle... éclaircir tous ces non-dits, ces lourds secrets familiaux. Une histoire d'amour, elle aussi singulière, se construira ...
Un style très poétique dans les descriptions de la nature, des paysages norvégiens, du travail du bois, du plaisir et art de la photographie.[passion du petit-fils, Edvard ]
« de nouveau, je ressentis la magie d'ouvrir un rouleau de film. Savoir qu'il y avait quelque chose de fragile et de vivant sur l'argent photosensible. Invisible pour l'heure, une autre époque s'y était fixée. Je songeai que c'était peut-être pourquoi je tombais toujours dans un certain état de stupeur dès l'instant où je me retrouvais avec une pellicule dans l'obscurité : la pellicule était capable de capturer le temps alors que j'étais moi-même quelqu'un qui avait un jour perdu le temps qui m'appartenait. »
Je laisserai volontairement ma chronique dans le flou pour laisser le plaisir de la découverte des surprises fort nombreuses aux futurs lecteurs…Une histoire complexe, écrite avec talent et poésie, mêlant la grande Histoire et la petite, celle des individus, entre la Norvège et la France… et le drôle de sort réservé à 16 noyers bien précieux, à plus d'un titre…nous accompagnant au fil de cette narration . Celle-ci est colorée, autant empreinte des embruns des forêts que des paysages marins, de Norvège...On s'y croirait !...
BRAVO à notre écrivain-bûcheron , pour ce bonheur de lecture…!....