AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Émile Nelligan et son oeuvre (88)

Amour immaculé.

Je sais en une église un vitrail merveilleux
Où quelque artiste illustre, inspiré des archanges,
A peint d'une façon mystique, en robe à franges,
Le front nimbé d'un astre, une Sainte aux yeux bleus.

Le soir, l'esprit hanté de rêves nébuleux
Et du céleste écho de récitals étranges,
Je m'en viens la prier sous les lueurs oranges
De la lune qui luit entre ses blonds cheveux.

Telle sur le vitrail de mon coeur je t'ai peinte,
Ma romanesque aimée, ô pâle et blonde sainte,
Toi, la seule que j'aime et toujours aimerai ;

Mais tu restes muette, impassible, et, trop fière,
Tu te plais à me voir, sombre et désespéré,
Errer dans mon amour comme en un cimetière !
Commenter  J’apprécie          00
Le Robin des bois.

Pendant que nous lisions Werther au fond des bois,
Hier s'en vint chanter un robin dans les branches ;
Et j'ai saisi vos mains, j'ai saisi vos mains blanches,
Et je vous ai parlé d'amour comme autrefois.

Mais vous êtes restée insensible à ma voix,
Muette au jeune aveu des affections franches ;
Quand soudain, vous levant, courant dans les pervenches,
Émue, et m'appelant, vous m'avez crié : " Vois ! "

Voici qu'était tombé du frissonnant feuillage
L'oiseau sentimental, frappé dans son jeune âge,
Et qui mourait sitôt, pauvre ami du printemps.

Et vous le pleuriez, regrettant sa romance,
Pendant que je songeais, fixant l'azur immense :
Le Robin et l'Amour sont morts en même temps !
Commenter  J’apprécie          00
Placet.

Reine, acquiescez-vous qu'une boucle déferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau,
Pour que j'y puisse humer un peu de chant d'oiseau,
Un peu de soir d'amour né de vos yeux de perle ?

Au bosquet de mon coeur, en des trilles de merle,
Votre âme a fait chanter sa flûte du roseau.
Reine, acquiescez-vous qu'une boucle déferle
Des lames des cheveux aux lames du ciseau ?

Fleur soyeuse aux parfums de rose, lis ou berle,
Je vous la remettrai, secrète comme un sceau,
Fût-ce en Éden, au jour que nous prendrons vaisseau
Sur la mer idéale où l'ouragan se ferle.

Reine, acquiescez-vous qu'une boucle déferle ?
Commenter  J’apprécie          00
Caprice blanc.

L'hiver, de son pinceau givré, barbouille aux vitres
Des pastels de jardins de roses en glaçons.
Le froid pique de vif et relègue aux maisons
Milady, canaris et les jockos bélîtres.

Mais la petite Miss en berline s'en va,
Dans son vitchoura blanc, une ombre de fourrures,
Bravant l'intempérie et les âcres froidures,
Et plus d'un, à la voir cheminer, la rêva.

Ses deux chevaux sont blancs et sa voiture aussi,
Menés de front par un cockney, flegme sur siège.
Leurs sabots font des trous ronds et creux dans la neige ;
Tout le ciel s'enfarine en un soir obscurci.

Elle a passé, tournant sa prunelle câline
Vers moi. Pour compléter alors l'immaculé
De ce décor en blanc, bouquet dissimulé,
Je lui jetai mon coeur au fond de sa berline.
Commenter  J’apprécie          01
Rêve d'artiste.

Parfois j'ai le désir d'une soeur bonne et tendre,
D'une soeur angélique au sourire discret :
Soeur qui m'enseignera doucement le secret
De prier comme il faut, d'espérer et d'attendre.

J'ai ce désir très pur d'une soeur éternelle,
D'une soeur d'amitié dans le règne de l'Art,
Qui me saura veillant à ma lampe très tard
Et qui me couvrira des cieux de sa prunelle ;

Qui me prendra les mains quelquefois dans les siennes
Et me chuchotera d'immaculés conseils,
Avec le charme ailé des voix musiciennes ;

Et pour qui je ferai, si j'aborde à la gloire,
Fleurir tout un jardin de lys et de soleils
Dans l'azur d'un poème offert à sa mémoire.
Commenter  J’apprécie          01
Le cercueil.

Au jour où mon aïeul fut pris de léthargie,
Par mégarde on avait apporté son cercueil ;
Déjà l'étui des morts s'ouvrait pour son accueil,
Quand son âme soudain ralluma sa bougie.

Et nos âmes, depuis cet horrible moment,
Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes ;
Nous croyions voir l'aïeul au fond des fosses lourdes,
Hagard, et se mangeant dans l'ombre éperdument.

Aussi quand l'un mourait, père ou frère atterré
Refusait sa dépouille à la boîte interdite,
Et ce cercueil, au fond d'une chambre maudite,
Solitaire et muet, plein d'ombre, est demeuré.

Il me fut défendu pendant longtemps de voir
Ou de porter les mains à l'objet qui me hante...
Mais depuis, sombre errant de la forêt méchante
Où chaque homme est un tronc marquant mon souci noir,

J'ai grandi dans le goût bizarre du tombeau,
Plein de dédain de l'homme et des bruits de la terre,
Tel un grand cygne noir qui s'éprend de mystère,
Et vit à la clarté du lunaire flambeau.

Et j'ai voulu revoir, cette nuit, le cercueil
Qui me troubla jusqu'en ma plus ancienne année ;
Assaillant d'une clé sa porte surannée
J'ai pénétré sans peur en la chambre de deuil.

Et là, longtemps je suis resté, le regard fou,
Longtemps, devant l'horreur macabre de la boîte ;
Et j'ai senti glisser sur ma figure moite
Le frisson familier d'une bête à son trou.

Et je me suis penché pour l'ouvrir, sans remord
Baisant son front de chêne ainsi qu'un front de frère ;
Et, mordu d'un désir joyeux et funéraire,
Espérant que le ciel m'y ferait tomber mort.
Commenter  J’apprécie          00
Le tombeau de la négresse.

Après que nous eut fui le grand vent des hivers,
Aux derniers ciels pâlis de mars, nous la menâmes
Dans le hallier funèbre aux odeurs de cinnames,
Où germaient les soupçons de nouveaux plants rouverts.

De hauts rameaux étaient criblées d'oiseaux divers
Et de tristes soupirs gonflaient leurs jeunes âmes.
Au limon moite et brut où nous la retournâmes,
Que l'Africaine dorme en paix dans les mois verts !

Le sol pieusement recouvra ses planches ;
Et le bon bengali, dans son château de branches,
Pleurera sur maint thème un peu de ses vingt ans.

Peut-être, revenus en un lointain printemps,
Verrons-nous, de son coeur, dans les buissons latents,
Éclore un grand lys noir entre des roses blanches.
Commenter  J’apprécie          00
Confession nocturne.

Prêtre, je suis hanté, c'est la nuit dans la ville,
Mon âme est le donjon des mortels péchés noirs,
Il pleut une tristesse horrible aux promenoirs
Et personne ne vient de la plèbe servile.

Tout est calme et tout dort. La solitaire Ville
S'aggrave de l'horreur vaste des vieux manoirs.
Prêtre, je suis hanté, c'Est la nuit dans la ville ;
Mon âme est le donjon des mortels péchés noirs.

En le parc hivernal, sous la bise incivile,
Lucifer rôde et va raillant mes désespoirs
Très fous !... Le suicide aiguise ses coupoirs !
Pour se prendre, il fait bon sous cet arbre tranquille...

Prêtre, priez pour moi, c'est la nuit dans la ville !...
Commenter  J’apprécie          00
Banquet macabre.

À la santé du rire ! Et j'élève ma coupe,
Et je bois follement comme un rapin joyeux.
Ô le rire ! Ha ! ha ! ha ! qui met la flamme aux yeux,
Ce vaisseau d'or qui glisse avec l'amour en poupe !

Vogue pour la gaieté de Riquet-à-la-Houppe !
En bons bossus joufflus gouaillons pour le mieux.
Que les bruits du cristal éveillent nos aïeux
Du grand sommeil de pierre où s'entasse leur groupe.

Ils nous viennent, claquant leurs vieux os : les voilà !
Qu'on les assoie en ronde au souper de gala.
À la santé du rire et des pères squelettes !

Versez le vin funèbre aux verres par longs flots,
Et buvons à la Mort dans leurs crânes, poètes,
Pour étouffer en nous la rage des sanglots !
Commenter  J’apprécie          00
Le perroquet.

Aux jours de sa vieille détresse
Elle avait, la pauvre négresse,
Gardé cet oiseau d'allégresse.

Ils habitaient, au coin hideux,
Un de ces réduits hasardeux,
Au faubourg lointain, tous les deux

Lui, comme jadis à la foire,
Il jacassait les jours de gloire
Perché sur son épaule noire.

La vieille écoutait follement,
Croyant que par l'oiseau charmant
Causait l'âme de son amant.

Car le poète chimérique,
Avec une verve ironique
À la crédule enfant d'Afrique

Avait conté qu'il s'en irait,
À son trépas, vivre en secret
Chez l'âme de son perroquet.

C'est pourquoi la vieille au front chauve,
À l'Heure où la clarté se sauve,
Interrogeait l'oiseau, l'oeil fauve.

Mais lui riait, criant toujours,
Du matin au soir tous les jours :
" Ha ! Ha ! Ha ! Gula, mes amours ! "

Elle en mourut dans un cri rauque,
Croyant que sous le soliloque
Inconscient du bavard glauque,

L'amant défunt voulait, moqueur,
Railler l'amour de son vieux coeur.
Elle en mourut dans la rancoeur.

L'oiseau pleura ses funérailles,
Puis se fit un nid de pierrailles
En des ruines de murailles.

Mais il devint comme hanté ;
Et quand la nuit avait chanté
Au clair du ciel diamanté,

On eût dit, à voir sa détresse,
Qu'en lui pleurait, dans sa tendresse,
L'âme de la pauvre négresse.
Commenter  J’apprécie          00




    Acheter ce livre sur
    Fnac
    Amazon
    Decitre
    Cultura
    Rakuten




    {* *}